Ch. Braux
Poète, fables du XIXº – L’enfant et le chat
Un jeune enfant, dans un jardin, dînait
Non loin d’un gros chat blanc qui sur le toit flânait :
Car rien n’est plus flâneur qu’un chat… si ce n’est l’homme ;
Rien au monde de plus gourmand…
Du chat je parle en ce moment :
L’homme… c’est pour mémoire ici que je le nomme.
Aussi comme il allait et venait sur son toit !…
Le chat… comme il flairait les pieds à la poulette !
Comme il sautait pour le veau froid !
On eût dit un volant poussé par la raquette.
La gueule lui pétait : on n’est pas chat pour rien.
C’est ce que pensa le vaurien :
— « Miaou ! » par deux fois, « Miaou ! » fit la bête.
L’enfant leva la tête :
— « Ah ! çà, Raton, » dit-il, « pourquoi ces miaous ?
Vous avez déjeuné comme quatre matous !
Songez que la gloutonnerie
Fait naître le pléthore, et que souvent un pas
Suffit pour nous mener de pléthore à trépas,
J’en préviens votre seigneurie. »
— « L’avis me semble bon… mais le repas aussi…
Permettez que d’abord je goûte celui-ci,
Cher maître, » dit le chat ; « bien vivre est ma devise,
Et je ne vois pas trop pourquoi,
Votre table étant à ma guise,
Vous me feriez l’affront de tout manger sans moi ?
— « Soit : partageons, Raton, Mais comment nous y prendre ?
Je suis faible et ne puis rien vous jeter là-haut !
Du toit c’est à vous de descendre. »
— « C’est juste, » dit le chat, « et je vais faire un saut. »
De tout temps les gourmands manquèrent de prudence.
Pour happer du repas plus vivement les brins,
Le nôtre ne tient pas compte de la distance :
Il saute mal, il tombe… et se casse les reins !
L’enfant, c’est la raison ; le chat, c’est la démence.
Ch. Braux
- L’Enfant et le chat, fable par Ch. Braux, impr. de Walder, Paris,1856.