Console-toi, jeune Théone ;
Tu n’es pas belle, est-ce un malheur?
Les vrais attraits sont ceux du cœur :
C’est être belle qu’être bonne.
Un père avait un fils d’une rare beauté ;
Le même avait une fille assez laide ;
La pauvre enfant pour y porter remède,
Avait tenté sans fruit plus d’un secret vanté.
Dans une glace trop fidèle
On la voyait soir et matin
Se consulter, chercher quelque mode nouvelle,
Qui déguisât ses traits, ou relevât son teint.
Un jour, en jouant avec elle,
Le frère enlevé de sa main
Le meuble fragile, il s’y mire :
En se comparant à sa sœur.
Dans sa propre image il s’admire.
Elle s’indigne; à sa laideur
Elle croit qu’il veut faire outrage
(Fillette sur ce point n’entend pas badinage) ;
Et dans son dépit envieux,
Vers son père elle court, et, les yeux tout en flamme,
Elle accuse sou frère, assez audacieux
Pour toucher (lui garçon) au meuble d’une femme.
Le père fait la paix entre eux ;
Avec tendresse il les embrasse.
Et leur dit :« Mes enfants, je veux que tous les deux
Chaque jour vous veniez consulter cette glace.
Toi. pour ne point dénaturer
Par les vices du cœur les traits de la figure ;
Toi, pour apprendre à réparer
Par tes vertus le tort que te fit la nature. »
“L’Enfant et le Miroir”