Fanfan, l’ingénuité même,
Entendant un écho pour la première fois,
Le prit pour un enfant criant du fond d’un bois.
Aussitôt de le voir son désir fut extrême :
« Qui donc es-tu? » L’écho l’interrogé de même.
« C’est moi, répond Fanfan.—C’est moi, redit la voix.»
Et le dialogue s’engage :
—Viens ici.—Viens ici.— Nous joûrons.— Nous joûrons.
Sot ! — Sot ! —Attends ! — Attends ! — Nous verrons ! —Nous verrons.
Et Fanfan, dépité, de fouiller le bocage,
Criant tout ce qu’il sait des gros mots de son âge.
L’écho, sans s’émouvoir, comme on le pense bien.
Lui renvoyait le tout du ton le plus sonore.
L’enfant entend, regarde, entend, regarde encore ;
Et que voit-il ? Il ne voit rien.
Il distingue en courant un pas semblable au sien ;
Il se tourne, il cherche, il se baisse :
Et que trouve-t-il ? Encor rien.
Il se relève et sur ses pieds se dresse :
Rien, rien toujours, et toujours rien.
Enfin, n’en pouvant plus, essoufflé, tout en nage,
Il appelle sa mère, et, trépignant de rage,
Lui raconte comment un sot petit garçon
S’est, pour l’injurier, caché dans un buisson.
Ce sot petit garçon, lui répondit la mère,
C’est toi, mon fils, oui, toi ; je te suivais des yeux ;
Tu dictais à l’écho des mots injurieux.
N’accuse donc que toi de ta grande colère :
Pourquoi n’as-tu pas parlé mieux?
Va maintenant, dis-lui des paroles aimables,
Tu l’entendras soudain t’en dire de semblables;
Mais de cette leçon ne sois point oublieux :
Lorsque nous nous plaignons des procédés des autres,
Ils ne sont trop souvent que les échos des nôtres.
“L’Enfant et l’Echo”