Connaissez-vous ce jeu divertissant
Où, lancé par un bras agile,
Le Caillou, bondissant Sur une onde immobile,
Court, et, dans son rapide essor,
S’abat, s’élève, tombe et se relève encor ?
Ne le méprisez pas, car César et Pompée,
Dit notre bon Montaigne, aimaient ce jeu d’enfant,
Qu’il nomme, il m’en souvient, Cornichon va devant,
Ajoutant qu’il vaut mieux que le jeu de l’épée.
Je voyais s’y livrer avec toute l’ardeur
Qui charme tant dans le jeune âge,
De joyeux écoliers qui faisaient au rivage
Répéter leurs cris de bonheur !
Quand l’un deux, qui plus tard sans doute fut docteur,
Fit un trait de grand personnage.
« Messieurs , dit-il, vous êtes fous ?
« Comment! choisir les plus petits cailloux »
Pour un tel jeu ! mais l’erreur est grossière !
» Regardez cette énorme pierre !
» Voilà, je suis sûr de mon fait,
» Qui ra bientôt sur la rivière
» Produire un plus brillant effet! »
Il s’incline à ces mots, il soulève à grand’ peine
Et lance le pesant fardeau.
La pierre, que son poids entraîne,
Fait grand bruit, éclabousse et disparaît sous l’eau.
Un rire universel fit retentir la plage,
L’Enfant, confus, plus tard a pu se souvenir
Qu’un grand malaisément surnage
Où les petits longtemps peuvent se soutenir.
“L’Enfant et les Cailloux”
- Ulric Guttinguer, 1787 -1866