Un enfant descendait un jour, pour se laver,
Dans le canal de l’Ourcq; ne sachant pas nager
Il perdait pied souvent, tombait sur la surface,
Appelle à son secours un gros homme qui passe.
Celui-ci s’avançant, dit : Petit imprudent,
Veux-tu bien m’expliquer et m’apprendre comment…
— Oh! de grâce, Monsieur, cessez votre colloque,
Vous ne voyez donc pas, hélas! que je suffoque ;
Sans perdre un seul instant, sauvez-moi de la mort;
Après, si vous voulez, vous me gronderez fort.
—. Je suivais le canal, étant dans les .recherches
De quatre ou six bateaux en charge au port aux Perches.
Ce parcours est charmant à la belle saison,
J’étais à mille pas de La Ferté-Milon.
Tout à coup j’entendis de vrais cris de détresse;
Prévoyant un malheur, je marche avec vitesse
Vers les sinistres cris : au secours! au secours!
Que répétaient au loin les échos d’alentours.
J’arrive haletant. Je compris cette plainte
Du pauvre enfant, saisi de frayeur et de crainte,
Pleurant et sanglotant, à vous faire pitié,
En face du gros homme, oh ! que j’aurais châtié
Avec bien du bonheur, en usant de ma canne,
Mais,devant le danger, ne cherchons pas chicane;
Et, sans perdre un instant, je pose man chapeau,
Mon habit sur la rivé, et me mets vite à l’eau.
J’atteins le pauvre enfant qui perdait connaissance
Oh ! c’était fait de lui sans ma prompte assistance,
Ne pouvant point compter sur l’énorme butor
Qui n’irait pas dans l’eau pour tout son pesant d’or.
Car, bien que le canal n’est ni profond ni large,
Qu’il ne peut en été supporter forte charge,
Si quelquefois il sert aux hommes de tombeau,
Il n’est pas étonnant que ce petit marmot
Aurait, c’est positif, payé son imprudence,
Et qu’on l’eût repêché, bien sur sans existence,
En présence d’un homme, espèce d’animal ;
J’ai découvert son nom, il figure au journal;
Je demande pour lui médaille et récompense,
J’ai pensé que c’était la meilleure vengeance.
Notre petit bonhomme, étendu de son long
Sur le bord du canal, sur un tendre gazon,
Veinait d’ouvrir les yeux; il n’avait nulle envie
De renoncer au monde, abandonner la vie.
Il ne faisait pas froid, mais en sortant de l’eau,
Avec des vêtements l’on ne peut avoir chaud.
Aussi l’enfant me dit : J’ai bien mal à la gorge.
— Comment t’appelles-tu? Je suis lé petit
George. En me disant cela, j’aperçus des bateaux;
La devisé de chaque, avec les numéros,
Plus la femme Leroy, ma bonne marinière,
Qui venait de fermer pour mettre pied à terre,
Me fit dire, nul doute, ils sont bien tous à moi,
Courons à ces bateaux pour ne plus avoir froid.
Où donc demeures-tu, dis le nom de ton père?
—Ah ! mon père n’est plus, mais j’ai ma bonne mère,
Elle se nomme George, occupe une maison
Tout en haut du château de La Ferté-Milon.
Avec femme Leroy, nous voilà face à face,
En nous voyant mouillés elle fit la grimace;
Je raconte en deux mots, de l’enfant le danger.
Bassinez vite un lit, et faites-lui manger
D’abord un peu de soupe, ensuite -un confortable,
Du vin chaud bien sucré, ce remède applicable
En telle circonstance, est vraiment souverain.
Sa pauvre mère, hélas ! doit avoir du chagrin.
Veuve George est son nom, écrivez sa demeure,
Vous le reconduirez aujourd’hui de bonne heure.
Puis je compter sur vous, sur votre humanité ?
En mon nom vous ferez acte de charité.
Prenez, c’est de l’argent, vous paîrez la dépense,
Le surplus pour la mère en proie à l’indigence,
C’est du moins présumable, et si je me trompais,
Vous direz : le Monsieur ne reprendra jamais ;
Il voudra que l’argent profite à petit George,
Pour que. chaque dimanche il suce un sucre d’orge
Je vous quitte, au revoir, je sens déjà le frais :
Je cours vite me rendre à Villers-Cotterêts.
L’humanité nous dit : si tu vois en danger
Quelqu’un, il faut d’abord chercher à le sauver.
Ensuite, si tu veux faire à toutes outrances,
Tant à tort qu’à, raison, de vives remontrances,
Etant hors de danger il devra les souffrir,
Et ne manifester le moindre déplaisir.
“Enfant sur le point de se noyer”