A M. Le Comte de Fontanes
Plus galant que sensé, Colin voulut jadis
Réunir dans son champ l’agréable à l’utile
Et cultiver les fleurs au milieu des épis.
Rien n’était, à son gré, plus sage et plus facile.
Parmi les blés, dans la saison,
Il va donc semant à foison
Bluets, coquelicots, et mainte fleur pareille
Qu’on voit égayer nos guérets,
Quand Flore, en passant chez Cérès,
A laissé pencher sa corbeille.
Dans peu, se disait-il, que mon champ sera beau !
Avant l’ample récolte au moissonneur promise,
Que de bouquets pour Suzette, pour Lise,
Pour les fillettes du hameau !
Partant que de baisers ! oui, cadeau pour cadeau ;
Ou rien pour rien, c’est ma devise.
Le doux-printemps parait enfin ;
Le bluet naît avec la rose.
En mai, le bonheur de Colin
Faisait envie à maint voisin ;
En oût ce fut tout autre chose.
Tandis qu’il n’était pas d’endroits
Où la moisson ne fût certaine ;
Que les trésors de Beauce au loin doraient la plaine,
Et que le laboureur n’avait plus d’autre peine
Que celle de trouver ses greniers trop étroits ;
Trop tard désabusé de ses projets futiles,
D’un oeil obscurci par les pleurs ,
Colin, dans ses sillons stérilement fertiles,
Cherche en vain les épis étouffés sous les fleurs.
Vous qui dans ses travaux guidez la faible enfance.
Ceci vous regarde, je crois ;
Chez vous, on apprend à la fois
Le latin, la musique, et l’algèbre, et la danse.
C’est trop. Heureusement, savons-nous, mes amis,
Que le Rollin du jour n’est pas de cet avis.
Enseigner moins, mais mieux, oui, tel est son système
Colin, vous dit-il sagement ,
Ne cultivons que le froment.
Le bluet viendra de lui-même.
“Les Blés et les Fleurs”