Après l’un des repas comme savent en faire
Tout chanoine et tout grand-vicaire,
Certain moineau voulut, pour clore son dîner,
D’un peu de fruit l’assaisonner.
(Le fruit pris de la sorte — au dire d’Hippocrate —
Fait des moineaux épanouir la rate.)
Le choix ne fut pas long ; notre maître-goulu
Sur un beau cerisier jeta son dévolu.
Là s’attaquant aux meilleures cerises,
Il les béquette à diverses reprises ;
Torche son bec, termine son menu,
Et puis s’en va comme il était venu.
En se voyant ainsi traitées
Toutes les pauvres béquetées
Poussèrent de hauts cris, gémirent sur leur sort ;
Qu’allait-on penser dans le monde ?
Chacune à cet affront eût préféré la mort ;
Tant leur tristesse était profonde !
Le cerisier touché de ces douleurs :
« Mes filles, arrêtez vos pleurs.
Loin de rougir d’être ainsi balafrées,
Il en faut, dit-il, être au contraire honorées.
L’oiseau, sachez-le bien, s’attaque au meilleur fruit.
Je ne sais si dans la nature
Cette loi partout se produit ;
Mais chez l’homme, soumis à la même aventure,
Ce sont surtout les bons que le malheur poursuit.
“Les Cerises becquetées”