Deux chiens, que pour la chasse on prit soin d’assortir,
Frères, de plus, à ce que dit l’histoire,
Le fait n’en sera pas plus difficile à croire,
Avaient toujours maille à partir.
C’était à chaque instant querelle sur querelle :
Elle fut un jour si cruelle
Que nos champions aux abois
Semblaient s’être battus pour la dernière fois.
A voir leur rage meurtrière,
Vous eussiez dit ces frères inhumains
Qui jadis dans les champs thébains
L’un par l’autre abattus mordirent la poussière.
Là-dessus, vint à leur secours
Un bœuf, animal débonnaire,
Qui, de la corne appuyant ses discours,
Finit ce duel sanguinaire.
Pour cimenter cet accommodement,
L’arbitre dit : Or sus, je prétends qu’on s’embrasse ;
Là, point tant de façons ; unissez promptement,
Et finissez de bonne grâce.
On obéit. Le bœuf crut bonnement
Avoir éteint toute leur rage ;
Le cou penché, d’un pas fort lent,
Il regagne son pâturage ;
Mais, leur courroux se réveillant,
Dès que nos chiens en liberté se virent,
Des deux mâtins le plus hargneux
Fondit sur l’autre : ils se reprirent
Si vivement que tous les deux
Dans ce second combat périrent.
Ecoutez-moi, princes et potentats.
Sujets aussi ; ma fable à tous est adressée :
Je vous le dis, ne vous reposez pas
Sur une paix brusque et forcée.
” Les Chiens irréconciliables”