Lise, à l’enseigne d’Arachné,
Tenait magasin de dentelles,
Ornement par le luxe aux belles destiné,
Parure délicate et légère comme elles.
Son voisin, à la Bonne Foi,
Fabriquait pompons et dorures,
Et vendait aux hommes de quoi
Galonner leurs habits sur toutes les coutures.
Le fabricant, je crois qu’il s’appelait Mondor,
Disait, un jour, à la marchande :
Entre nos deux métiers la différence est grande;
Vous employez le fil, et moi, l’argent et l’or.
Le fil est une bagatelle,
Un rien ; cependant nous voyons
Que vous vendez plus cher une aune de dentelle
Que moi six aunes de galons.
Pouvez-vous, lui dit Lise, en ignorer la cause?
C’est par le travail et les soins
Qu’un ouvrage vaut quelque chose ;
La matière qui le compose Est ce qu’on regarde le moins.
Tel auteur, écrivant sur un sujet sublime,
Inspire souvent le dégoût;
Tel autre, employa fit mieux le rabot et la lime,
Nous plaît avec des riens. L’élégance fait tout.
“Les Dentelles et les Galons”