Baron de Ladoucette
Homme politique, poète et fabuliste XVIIIº – Les deux Loups
Maint proverbe s’applique au loup ; mais sait-on bien
Qu’il se choisit son genre de victime ?
C’est le raffinement du crime.
Ce tyran de nos bois ne guettait que le chien :
A Noël, à la Pentecôte,
Jeune ou vieux, dur ou tendre, il ne s’en faisait faute ;
Il allait parfois l’assiéger
Jusque dans le parc du berger.
Un tel guerrier était la terreur du village.
Le chien au fond des cours cherchait un abri sûr ;
Le loup, dans sa soif de carnage,
D’un saut franchit le mur.
Mais le bruit du combat tire enfin de leur somme
Le fermier, le valet.
L’un saisit un long pieu ; l’autre un vieux pistolet ;
On frappe l’agresseur, on l’abat, on l’assomme.
Or, le défunt laissait un fils
Celui-ci ne vivait que de rats, de souris.
Il longeait les sillons ; et dès que la charrue
Avait chassé de leurs nids
Un, deux, trois, quatre ennemis,
Il en faisait gaîment sa portion congrue.
Le métayer tremblait à cette triste vue ;
Mais son frère, madré chasseur,
Prend sa place, un beau jour, attend notre voleur.
L’aperçoit, et déjà le salpêtre s’enflamme ;
La Parque aux noirs ciseaux du loup coupe la trame.
De ces deux traits concluons, cher lecteur :
Celui qu’aveugle le vice
Marche au bord du précipice.
Jean-Charles-François de Ladoucette – Les deux Loups