Deux oisons qui faisaient voyage,
S’entretenaient au bord de l’eau.
— As-tu vu , disait l’un, cet admirable oiseau
Perché sur la maison du seigneur du village?
As-tu remarqué son plumage?
De l’aurore au couchant il n’est rien de si beau.
C’est un merveilleux assemblage
Des plus vives couleurs.
Nature en le formant l’a comblé de faveurs.
Oui, des oiseaux c’est le monarque;
Car sur sa tête il en porte la marque.
— Je n’ai point vu, répliqua l’autre oison,
Ce beau phénix dont tu fais la peinture,
Mais une espèce de dindon,
Qui ne doit pas, je te le jure,
Etre content de sa figure.
Sa tête est fort menue, et vraisemblablement
Il a très-peu de jugement.
Dieux! quelle étrange mélodie !
Il remplit l’air de cris affreux :
J’en ai l’oreille encor tout étourdie :
Ajoutez à cela qu’il a des pieds hideux.
C’était un paon qu’ils dépeignaient tous deux.
De l’oiseau de Junon l’un avait vu les grâces,
Et l’autre les défauts. Ainsi dans l’univers
Les jugements des hommes sont divers.
Nous voyons les objets par différentes faces.
“Les deux Oisons, fable de Richer”