Persévérance vient à bout…
De quoi ? De tout.
Deux rats vivaient d’intelligence ;
Ils avaient eu même berceau :
Au galetas d’un vieux château
Même jour ils prirent naissance.
Conformité d’âge et d’humeur
Faillit à les plonger dans le même malheur.
Un plat de rôt déposé dans l’office
Tenta l’appétit des galants.
Par un trou fort étroit le plus hardi se glisse,
L’autre suit ; les voilà dedans,
Par le chemin couvert, maîtres de cette place ;
D’abord le rôt fut investi :
C’était à qui montrerait plus d’audace
Pour en tirer un bon parti.
Le hasard fit qu’un domestique,
De cette race famélique
De tout temps ennemi juré,
Avait ce matin préparé
Un piège presqu’en l’air, qui, s’abattant sur terre.
Vous les fit prisonniers de guerre.
La prison qui les resserrait
N’avait qu’une seule ouverture
Étroite, difficile, obscure :
Un fil de fer la leur barrait.
« Que faire ? le ronger ? voire, qui le pourrait ?
Dit l’un des rats. —Bon ! bon ! dit l’autre frère.
On ne fait que ce qu’on veut faire :
J’y vais tâcher. » D’abord sa dent
Fit comme celle du serpent
Qui voulut s’en prendre à la lime ;
Plus cette active dent s’escrime.
Moins elle semble avancer ; cependant
Son camarade le relève.
S’évertue avec plus d’ardeur,
Ne se donne ni paix ni trêve.
Le fer s’entame. Dans leur cœur
L’espoir renaît. Leurs dents s’unissent ;
Elles s’affinent, se polissent ;
Le fer aussi. Bref il s’affina tant,
Que se pliant, que se rompant,
Par une espèce de miracle,
A leur fuite les rats ne virent plus d’obstacle.
Persévérance vient à bout…
De quoi ? De tout.
“Les deux Rats prisonniers”