J’ai connu deux roquets : Gropius et Pyrée.
L’un et l’autre étaient fort jolis,
Bonshommes de chiens très-polis,
Poil soyeux, queue empanachée.
Ils s’aimaient d’amour tendre, et leur affection
Datait du jour de leur naissance.
C’était plaisir de voir ces deux amis d’enfance
Mettre en commun leur portion.
Ils se fâchaient souvent (douce et rare querelle)
Au sujet du meilleur morceau :
Prenez-le, disait l’un, ce mets vous est nouveau,
Il vous fera grand bien, — Merci de votre zèle,
Répondait l’autre chien, mais vous êtes l’aîné,
Et s’il se trouve en la gamelle
Quelque friand relief, il vous est destiné.
Heureux dissentiment qui part d’une âme tendre,
Que j’aurais grand tort de m’attendre,
A te voir parmi les humains !
Ces deux petits roquets servent d’exemple aux hommes :
Ils pensaient au prochain, et dans l’âge où nous sommes
Chacun songe à remplir ses mains.
“Les deux Roquets”