Dans un pays, c’est vraiment une peste
Qu’un spadassin ; quant à moi je déteste
Tous ces Achilles à plastrons
Qui de l’escrime font une étude funeste
Pour être impunément insolents ou poltrons.
J’en connus un à Caen ; de tous les fanfarons
Il eût pu passer pour le maître.
Il n’est besoin qu’ici je vous dise ses noms :
Vous le reconnaîtrez peut-être.
Passe un jour par la ville un fameux régiment
Illustré par vingt ans de guerre.
Dans ce corps était un sergent,
Vrai Saint-George. On ne tarde guère
À faire connaissance, on se rend au billard.
Il s’y présente par hasard
Un coup qu’il faut juger ; si tel ou tel l’approuve
Tel autre le condamne, et voilà justement
Que notre spadassin se trouve
D’un avis tout contraire à monsieur le sergent.
Le militaire veut, le citadin prétend ;
Le ton s’en mêle, et bientôt la colère.
Enfin, suffit, dit-on ; et, pour le lendemain,
Rendez-vous est donné. L’on va sur le terrain.
Se connaissant tous deux pour dignes adversaires,
Il n’en eût peut-être été rien ;
Mais, par esprit de corps et par respect humain,
(Véritables gâteurs d’affaires,)
On s’aligne. Le spadassin,
Après maint coup brillant admiré du parterre,
Tombe enfin, et mord la poussière.
Eh bien ! à présent niera-t-on
Que mes deux chiens eurent plus de raison ?
“Les deux Spadassins”