Le thé, s’il faut en croire un moderne Solon
Dont on prise fort la doctrine,
Fait les délices d’un salon;
J’y souscris ; néanmoins on prétend qu’à la Chine
Cette plante agréable et fine,
Qui fut si long-temps en honneur,
Commence à perdre sa faveur :
Chez les mandarins même on voit régner la mode.
« N’importe, j’en retiens pour le moins cent, quintaux, »
S’écriait du commerce un des fameux suppôts,
Qui de Plutus connaissait bien le code;
« En Europe je veux placer tous mes ballots;
« Toujours le thé doit y faire fortune :
« Gloire à qui vient de loin c’est la règle commune. »
Bientôt il se met en chemin.
Au milieu du trajet, il trouve un sien confrère.
On se parle: « Où vas-tu? — Je m’en vais à Pékin;
« J’y porte en cargaison de la sauge , compère. »
— «Tu fais très-bien, répond notre autre voyageur;
« D’avance à tes succès j’applaudis de grand cœur.
« La sauge a son mérite ; elle est sûre de plaire
« Aux honnêtes Chinois.
« Avec dédain, chez nous, on la traite par-fois,
« Bien qu’utile à la médecine ;
«Et pourquoi?… C’est, je m’imagine,
« Que nul n’est prophète chez soi.
« Sancho l’avait dit avant moi :
« Ce mot qui fait proverbe est cité d’âge en âge. »
Là-dessus l’on se quitte : « Au revoir: —Bon voyage.»
“Les deux Spéculateurs”