Un pêcheur jeta dans une rivière sa ligne armée d’une mouche artificielle ; une jeune truite de très-bon appétit, allait avaler l’appât avec avidité ; mais elle fut arrêtée très à-propos par sa mère. Mon enfant, dit-elle, tout émue, je tremble pour vous. De grâce, ne vous hâtez jamais, quand il peut y avoir du danger. Que savez-vous si cette belle apparence que vous voyez est réellement une mouche ? C’est peut-être un piège. Croyez-moi, ma fille, je suis vieille : je connais les hommes, et je sais de quoi ils sont capables : ils se tendent des pièges les uns aux autres : faut-il s’étonner s’ils en tendent aux poissons ? A peine avait-elle fini de parler, qu’un goujon saisit goulument la mouche prétendue, et prouva par son exemple la prudence de l’avis de la mère truite.
Il ne faut pas aisément se laisser prendre aux apparences : les plus belles sont quelquefois trompeuses.
“Les deux Truites et le Goujon”