Deux Voyageurs ensemble faisaient route :
Dans ce pays dangereux, inconnu,
Aucun des deux n’était encor venu.
Un intérêt, des plus graves sans doute,
Les obligeait à prendre ce parti
Très-hardi.
Du côté du midi,
Il se trouvait des nations sauvages,
Encor antropophages.
Il fallait donc, pour éviter la mort,
Se diriger constamment vers le nord.
De nos deux Voyageurs, l’un regardant la terre
Cherchait la trace et l’empreinte des pas;
N’oubliant rien de ce que l’on peut faire
En pareil cas.
Calculant avec soin les diverses distances,
Très-attentif aux moindres circonstances.
Le Second Voyageur beaucoup moins soucieux,
Le front haut, marchait tout joyeux ;
Pourtant la nuit était obscure,
Et la route semblait peu sûre.
Son compagnon lui dit : est-ce bien le moment
De vous tenir le nez au vent,
Et de voyager en chantant ?
Pour moi, j’ai plus de soin de l’enfant de ma mère.
L’autre lui répondit : ami, ne craignez rien,
Vous dirigez vos regards vers la terre ;
Selon moi ce moyen,
Dans le présent péril, ne peut nous servir guère.
Autrefois un homme de bien
M’apprit un secret infaillible,
Qui rend toute erreur impossible,
Regardez cette étoile, elle indique le nord :
Marchons de ce côté, pour éviter la mort.
Son compagnon admira sa prudence ;
Il comprit qu’il ne suffit pas,
Dans le péril, d’user de vigilance :
Si nous fixons nos regards ici-bas,
Autour de nous tout change, tout varie,
Pour ne point nous tromper dans le cours de la vie
Fixons nos yeux
Aux cieux.
“Les deux Voyageurs”