Dans un vallon, non loin de Rome,
Est un pont tellement étroit,
Qu’il n’y peut passer qu’un seul homme.
Un jour, deux Voyageurs, l’un sur l’autre allant droit,
Au beau milieu se rencontrèrent :
« Reculez, dit l’un deux. Vous-même, reculez,
«Lui répond l’autre : est-ce que vous valez
» Plus que moi ? » Bref, tous deux si bien se disputèrent,
Tellement s’acharnèrent
A ne pas reculer d’un pas,
Et de si rudes coups, en un mot, se portèrent,
Que tous deux sur le pont trouvèrent le trépas.
Cet apologue est l’image fidèle
De deux partis qui se poussent à bout ;
Quelque concession eut fini leur querelle :
Pour eux périr n’est rien, ne pas céder est tout.
“Les deux Voyageurs”