Jeannot lapin, simple, modeste et sage,
Adorait dès son plus jeune âge
Sa cousine Jeannotte, et tous deux chaque soir,
Quittant de concert leur retraite,
A l’ombre des bosquets aimaient à se revoir
Pour se compter mainte fleurette.
Mais l’amour se trahit. Les parents de Jeannot,
Aux regards vigilants, s’aperçurent bientôt
Que cet enfant, leur bonheur et leur joie,
Nourrissait un amour malheureux dans son cœur.
« Ah ! que notre chagrin en larmes se déploie,
S’écriaient-ils en plaignant son erreur.
— Eh ! ne voyez-vous pas, répond une lapine,
Qu’il aime Jeanneton, sa charmante cousine,
Qui se désole en son terrier ?
Le plus court, à mon sens, est de les marier. »
Sitôt dit, sitôt fait. Cette heureuse nouvelle,
Comme un éclair se répand en tous lieux.
Et le peuple lapin d’accourir plein de zèle,
Pour faire compliment â ce couple joyeux.
« Bonjour ! cousin, bonjour ! cousine.
Qu’il est gentil votre jeune lapin !
— Cousin, permettez-moi d’embrasser la lapine.
Quelle grâce ! quel port divin !
A la santé de notre couple aimable !
Que tous les deux puissent vivre cent ans
Et se voir entourés de robustes enfants ! »
Et là-dessus on se remet à table,
Et gais propos marchent leur train.
On aurait dit que cette fête,
Tant le bonheur tourne la tête,
Ne devait pas avoir de fin.
On criait, on buvait à l’heureux mariage
De notre fortuné Jeannot,
Qui toujours simple et toujours sot,
Laissait croquer son héritage.
On l’engloutit si bel et bien,
Qu’avant même d’être en ménage,
Le malheureux n’avait plus rien.
Ami lecteur, ce trait, faut-il que je le dise ?
Nous prouve que toujours d’habiles charlatans
Sont disposés à brûler leur encens
Pour exploiter notre sottise.
Le sage les fuit, les méprise ;
Mais tous ces chevaliers, à tromper si savants,
N’existeront que trop, hélas ! dans tous les temps !
“Les Fiançailles du Lapin”