Hébé
fable du XIXº – Les huîtres
Un jour d’hiver, parmi les Immortels
La grippe s’abattit, féroce,
Et vous les pinça tous comme simples mortels.
L’épidémie était atroce :
Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient grippés.
On n’en voyait point d’occupés
A pinter le nectar, à bouffer l’ambroisie ;
C’était à faire envie
A la bande d’Esculapus.
Il toussaient si fort que sur terre,
Durant huit jours et plus,
On n’entendit que ce tonnerre.
Ils molardaient aussi sans gêne dans l’azur,
Par-dessus les balustres dorés de l’Olympe.
Où nul homme jamais ne grimpe.
Ça tombait dans la mer ; pour sûr,
(L’Histoire est là pour nous le dire,)
Ces célestes molards
Au sein du Neptune que Empire
Tombèrent par milliards.
Ils n’étaient pas de consistance égale :
Ceux qui tombèrent à Marennes, à Cancale
Les plus gluants, restèrent attachés
Aux rochers.
Mais permettez que je vous narre
Comme ici-bas rien ne se perd, rien ne s’égare.
Le premier qui les découvrit
En rit
Le second, plus avisé, les ayant goûtées,
Trouva ces huîtres douces, veloutées,
Et, désirant le bien d’autrui,
En fit part à ses amis. Aujourd’hui,
Ces molards diffluents et veules
Font les délices de nos gueules.
Puisque c’est par la grippe qu’on les a.
Bénissons tous l’Influenza.
HÉBÉ (22 Décembre 1889)
Auteur anonyme