Deux petits chiens d’une même portée,
Tous deux jolis, et mignons, et bien faits,
Et se ressemblant traits pour traits,
Avoient tous deux une peau tachetée,
Patte fine, joli museau,
Les yeux vifs, longue soie, oreille bien tombante,
La queue exactement recourbée en cerceau :
Enfin leur ressemblance en tout étoit frappante.
Leurs noms différoient peu ; l’un se nommoit Hector ;
L’autre Médor.
Un soir, temps fertile en méprises,
Lorsque sur des ombres plus grises
Une invisible main vient déployer sans bruit
Le sombre voile de la nuit,
Leur maîtresse rentra ; de quel endroit ? n’importe :
Il suffit de savoir qu’en entr’ouvrant la porte
Elle appella deux fois distinctement Hector.
Nos deux chiens sommeilloient encor.
Médor pourtant s’éveille. Allons, mon camarade,
Lui dit-il en parlant tout bas,
Lève-toi donc ; es-tu sourd ou malade ?
On t’appelle, n’entends-tu pas ?
Tout en lui faisant ce reproche,
Il retourne la tête, et voit que de sa poche
Sa maîtresse tiroit un morceau de brioche.
Sûrement je dormois encor,
Dit-il, quand j’ai jugé qu’on appelloit Hector.
Peut-être nos noms par elle,
Auront été confondus :
Tantôt elle m’a dit que j’étois son fidele ;
A présent je n’en doute plus,
Oui, c’est moi, c’est moi qu’on appelle ;
Courons, elle me tend les mains,
Et ne réveillons pas mon frere qui sommeille.
On reconnoît là les humains ;
Souvent leur conduite est pareille.
“Les petits Chiens”