De malheureux pigeons lassés de l’esclavage
Résolurent un jour de fuir du colombier.
Le joug qu’on nous impose est un joug meurtrier.
Disaient-ils. Qui pourrait l’endurer davantage.
De nos fils chaque année on nous prend les plus beaux,
Les lits de nos amours deviennent leurs tombeaux.
Le temps revient où la nature
Nous accorde progéniture ;
Sauvons-la d’un maître cruel,
Et cherchons dans les bois une retraite sûre
Sous la voûte libre du ciel.
Cet avis prévalut. La tribu tout entière
S’envola sur-le-champ vers des destins nouveaux.
Des chênes aux grands bras, des pins à cime altière,
Des rochers suspendus au bord d’une rivière,
Reçurent de Cypris les timides oiseaux.
Ils bâtirent leurs nids pleins d’espoir et de joie.
Mais, hélas ! ils comptaient sans les oiseaux de proie.
Sans l’oiseleur et ses panneaux,
Sans le chasseur cruel et la bande inhumaine
Des enfants sans pitié dont parle Lafontaine ;
Et loin de conserver les fruits de leurs amours,
Eux-mêmes furent tous détruits en peu de jours.
Quiconque ne peut pas se protéger lui-même,
Fera bien de rester sous l’appui d’un plus fort,
Dût-il payer d’un prix extrême
Cette protection nécessaire à son sort.
C’est cruel, je le sais ; mais c’est la loi suprême :
Qui la veut éviter la retrouve d’abord.
“Les Pigeons”