Charles Porphyre Alexandre Desains
Des Rats venus dans un grenier
Y trouvèrent une omelette
Ayant si bonne odeur qu’elle paraissait faite
Pour la collation de quelque financier.
Autour d’elle aussitôt les rongeurs sont à table ;
Mais l’un d’eux, né sensible et partant charitable,
Fut d’avis que personne au festin ne prît part
Que l’on n’eût fait venir un vieux rat, bon vieillard,
Dont la misère était connue,
Et qui, dans un combat
Soutenu contre un Chat,
Avait un jour perdu la vue.
Cet élan d’un bon cœur fut par tous approuvé.
Puis vers le vieil infirme, en son logis trouvé,
Arrive, au petit trot, l’obligeante ambassade.
Maint aveugle est connu pour n’être pas maussade,
Le nôtre fut charmé de l’invitation ;
Mais lorsque d’omelette ils firent mention,
Il leur dit : Gardez-vous de toucher cette proie !
Ce mets, dont l’apparence a causé votre joie,
Cache de l’arsenic, poison si violent
Que l’homme le choisit, dans sa rage implacable,
Dès qu’il veut, à coup sûr, détruire son semblable
Dont il aime la femme ou dont il veut l’argent.
Voyez s’il nous faut fuir cette poudre maudite !
Par elle, tous les jours, notre espèce est réduite,
Par elle j’ai perdu quatre de mes enfants
Qui n’en avaient goûté qu’un peu du bout des dents.
Encore un coup, mes fils, gardez qu’on ne l’approche,
Venez, j’ai dans mon trou des restes de brioche,
Ils sont l’offre du cœur, vous pourrez les manger
Sans courir de danger,
Et retenez de moi cette morale utile :
Qu’il faut se défier d’un plaisir trop facile.
A quoi j’ajouterai, mes enfants, mes amis,
Au fond du cœur touché de votre aimable zèle,
Que la vieillesse paye en prévoyants avis
Les égards que l’on a pour elle.
Charles Porphyre Alexandre Desains