Timoléon Jaubert
Poète, magistrat et fabuliste XIXº – Les rats et les chats
Les rats avec les chats se liguèrent un jour.
Des rats avec des chats former pareille chaîne !
Quel mobile sacré ? quels intérêts ? la haine.
Ils se disaient fort mal en cour.
Le despote d’alors excitait leur colère,
Leurs satires et leurs mépris.
C’était le vieux Médor, Médor le débonnaire.
Il est vrai qu’il voulait gouverner au logis.
Si les rats au grenier faisaient trop de vacarme,
Si l’épi de maïs roulait avec fracas,
Médor grognait ; un cri d’alarme
Disait bien qu’il n’approuvait pas.
Contre les miaulements il fit une Ordonnance ;
« La nuit, disait Médor est faite pour dormir. »
Lui qui veillait le jour, voyez quelle insolence !
Des lois sur le sommeil ! et chacun de frémir :
« Quoi ! subir le tyran ! sommes-nous des marmottes ?
« Faut-il perdre le goût du lard ?
« Flairer, sans y toucher, saucisse, gibelottes ?
« Vite nommons un chef ! » On nomma Rodilard.
Et puis ?… et puis lecteur, toujours la même histoire :
Le chenil fût bientôt fouillé, bouleversé.
Mais tous les conjurés se couvrirent de gloire,
Et le vieux Médor fut chassé.
Et puis ?… et puis après quelques banquets civiques,
Les chats, maîtres enfin, agirent sans façon ;
Les rats furent croqués !… Petits rats politiques,
– Comprendrez-vous cette leçon ?
Timoléon Jaubert