Un vieux Renard, retiré de ce monde,
Dans une retraite profonde
Formait le cœur de ses enfants.
(Ce n’était pas bien nécessaire ,
Puisqu’ils devaient, comme leur père ,
Tôt ou tard être courtisans.)
Du reste, en l’art diplomatique
Profond, sublime, ou familier,
Il n’avait garde d’oublier
Les secrets de la politique-
Comme il en préparait un cours ,
Et résumait un long discours,
Voilà que, sous la voûte sombre
De la forêt, arrivent en grand nombre
Des Bûcherons de leurs haches armés.
Les Renardeaux sont alarmés.
« Adieu, se disaient ils, nos chênes, nos ombrages ;
» Qui nous défendra des orages,
» Du soleil et de ses chaleurs? —
» Mes enfants, retenez vos pleurs, »
Dit en s’approchant leur vieux père ;
« La jeunesse trop tôt se flatte, ou désespère.
» Voyez sur qui frappent les coups !
» Ce n’est pas le sapin, le hêtre, le platane ,
» Ce sont les arbrisseaux que la hache condamne;
» Écoutez, et rassurez-vous ! » Et le maître disait :
« Abattez, point de grâce,
Frappez ces avortons dont la tige embarrasse
» Les arbres élevés qui règnent en ces lieux ;
« Ils nuisent, c’est assez; qu’on se défasse d’eux ! »
Far des paroles si nouvelles
Les Renardeaux sont bien surpris ;
Le père dit alors : « Qu’en vos jeunes cervelles
» Ces mots-là demeurent écrits. »
Enfants ! voici du inonde une image parfaite,
Vous le verrez un jour à la cour des tyrans:
Quand les petits gênent les grands,
Leur affaire est bientôt faite.
“Les Renards et les Bûcherons”
- Ulric Guttinguer, 1787 -1866