«Eh ! que m’importe, à moi, ce printemps si vanté !
Puis-je le trouver beau s’il double mes corvées?
Hélas ! quand reviendra l’été,
Et quand les fleurs seront-elles passées ? »
Ainsi parlait un âne un peu fâché
D’être le messager de Flore :
Cela veut dire qu’au marché,
Tous les jours, devançant l’aurore,
Des fleurs qu’elle avait fait éclore,
Il arrivait le dos chargé.
L’été venu, plaintes nouvelles :
Les légumes sont si pesants
Et les chaleurs sont si cruelles?
« Ah ! c’est bien pis que le printemps !
Que ne sommes-nous en automne ! »
L’automne vint : surcroît de maux
Pour le pauvre baudet ; aux dépens de son dos
Le marché s’enrichit des présents de Pomone :
Poires, pommes, raisins ; c’est à n’en pas finir !
La charge n’est jamais trop forte ;
Plus les paniers sont grands, plus on peut les emplir.
Et plus le voyage rapporte.
« Hiver! arrive donc; j’implore ta rigueur,
Disait la malheureuse bête;
Que tes frimas changent en jours de fêtes
Des jours de peine et de douleur ! »
L’hiver arrive enfin; mais contre son attente.
Le baudet n’en reçoit aucun soulagement:
Qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente,
Il faut marcher, et d’un fumier puant
On vous le charge tant et tant,
Et si souvent,
Que la force alors lui manquant,
«Hélas! dit-il, je vois qu’on ne doit guère
Compter sur l’avenir, toujours trop incertain,
Et que changement de destin,
N’est que changement de misère. »
“les Souhaits de l’Âne “