Suant, bavant sous le fardeau
Dont le chargea du ciel la bonté souveraine,
Depuis un jour, sans prendre haleine,
Un escargot rampait au revers d’un ruisseau.
Enfin, cédant au faix qui l’embarrasse :
« De quoi, s’écria-t-il, me sert cette maison ?
C’est mon boulet, c’est ma prison.
Au diable soit la lourde carapace !… »
Et notre ingrat, sans songer plus avant
Qu’à sa coquille il devait maint office,
De la spirale protectrice
S’arrache, et nu s’expose à la rigueur du vent.
Dès l’abord, de la bise il sentit la froidure ;
Mais le bonheur de vivre en liberté
Ne vaut-il pas la meilleure fourrure,
Et trop cher l’eût-il acheté ?
Donc à travers le pays qu’il admire,
Cornes au vent, il se met en chemin,
Quand à ses yeux s’offre soudain
Le masque horrible d’un lampyre.
Où fuir ? où se cacher ?… Où trouver un abri,
Si loin, si loin de sa demeure ?…
L’imprudent s’est livré lui-même à l’ennemi ;
Et, sans asile, il faut qu’il meure.
Votre coquille, enfants, votre abri le plus sûr,
C’est le cœur d’un ami, c’est le sein d’une mère.
Ah ! si jamais le joug vous semblait dur,
N’allez pas le quitter pour un bien éphémère.
(L’Escargot)