Une Hirondelle, habile aventurière,
Un jour entra dans une fourmilière,
Et tout d’un coup ne songea qu’aux moyens
D’avoir le bien des petits citoyens.
Mes chers enfans , il est un nouveau monde,
Leur cria-t-elle, où la terre féconde,
Incessamment, par mon ordre et mes soins,
Rapportera dix centuples au moins.
Quelqu’un veut-il entrer dans la dépense,
Et me donner ce qu’il voudra d’avance ?
Je prendrai tout, et même jusqu’au grain
Dont la bonté n’est pas un fait certain ;
Et pour le prêt qu’on daignera me faire,
De grands trésors seront le prompt salaire.
De grands trésors, répondent les Fourmis!
Eh ! mais comment ? Un de nos bons amis ,
De ce pays revenu cette automne,
Dit que la mort n’y conserve personne ;
Point de maisons, ni pierres pour bâtir,
Peu d’alimens, rien de quoi se vêtir;
Que le terrain, quoique neuf et fertile,
A cultiver sera très-difficile ;
Et que des bois, qu’habitent les castorsa
Sont de ces lieux les uniques trésors.
Il ne fallait de sens commun qu’une once
Pour suggérer une telle réponse ;
Et cependant, sur de simples billets,
Quelques Fourmis lâchèrent leurs effets.
On les paya ; mais l’étrangère habile
En payait un pour en redonner mille.
Payait ! que dis-je? Un profit inoui
Rendit chacun interdit, ébloui.
Heureusement revenant à soi-même.
Du gain flatteur on vit le stratagème;
Et connaissant l’impossibilité,
On sut se taire, et n’être plus tenté.
Lorsqu’on nous fait des promesses trop amples,
Défions-nous d’un funeste retour :
Il doit paraître aussi clair que le jour,
Quand on propose un profit sans exemples.
“L’Hirondelle et les Fourmis”