Réduit au désespoir, un mortel misérable
S’était armé d’un Pistolet,
Et le tournant vers sa tète il allait
Finir son destin déplorable.
« Malheureux !… quelle est ta fureur?
» Arrête ! mais pourtant si ton âme rampante
» Était vouée au déshonneur ,
» Ne tarde pas , et pressant ma détente
» De ton méprisable fardeau ,
» A l’instant délivre la terre,
» Et fais rentrer dans la poussière,
» Celui qui doit en être le fléau.
» Eh ! quels sont tes chagrins ? la fortune inconstante
» Est-elle contraire à tes vœux ?
» Jette un coup-d’œil sur ceux qu’elle tourmente,
» Ton sort paraîtra moins affreux.
» Gémis-tu de la perte, hélas ! irréparable
» D’un père que ton cœur chérissait ardemment ?
» Sois à ton tour un père respectable,
» C’est le remède à ton tourment.
» Idolâtre d’une maîtresse,
» Te préfère-t-on un rival ?
» Avec constance embrasse la sagesse,
» Elle ne produit aucun mal.
» Un ami que tu crus sincère,
» A-t-il cesse d’être tel à tes veux ?
» Crois qu’il en est encore sur la terre,
» Et tâche de rencontrer mieux.
» Favori d’un monarque et juste et débonnaire ,
» Es-tu victime d’un flatteur ?
» Regarde un moment en arrière.
» Il est bien peu de rois qui pèchent par le cœur !
» Plains et ceux qui le sont et ceux créés pour l’être,
» Vois-les tous dans l’obscurité,
» Cherchant toujours l’aimable vérité,
» Et condamnés à ne la point connaître.
» Arme-toi du flambeau divin,
» De la douce philosophie,
» C’est l’antidote du chagrin,
» Et, sans elle, il n’est point de bonheur dans la vie. »
De la fortune les rigueurs
En allaient faire un suicide ;
Il devint philosophe, et cette arme homicide
Le consola de ses malheurs.
L’homme facilement s’irrite et désespère ;
Sur lui de ses chagrins, il cherche à se venger ;
Sa guérison toujours dépend de la manière
Dont il sait les envisager.
“L’Homme et le Pistolet”