Au retour du printemps la volage hirondelle,
A coup de bec et sans truelle,
Spectacle que l’on voit trop indifféremment,
Avec une adresse infinie,
Se bâtissait un logement
Chez un bourgeois, dont la manie
Etait aussi le bâtiment.
De cet oiseau, dit-il, j’admire l’industrie ;
Mais à quoi bon bâtir aussi solidement ,
Quand on n’est pas dans fa patrie,
Et que l’on est sujet au déménagement ?
Pauvre animal, hélas ! Tu prends bien de la peine.
Pour rester ici quelques mois :
As-tu donc oublié que la saison prochaine
T’obligera d’aller en des pays moins froids !..
Tu laisseras alors ta demeure déserte ;
Les nids les plus jolis deviendront superflus :
De tes soins et du temps pour épargner la perte ,
Tu devrais camper et rien plus.
Moi-même à mon tour, je t’admire ,
Dit l’hirondelle , au bâtisseur :
Dans ce vaste édifice où ton orgueil se mire ,
Je vois déjà ton successeur,
Qui, subissant la loi suprême,
Le laissera bientôt lui-même
A quelque nouveau possesseur,
Si je fuis folle, ami, tu n’es guère plus sage,
Puisque tu bâtis sans songer
Que l’homme est sur la terre un oiseau de passage,
Qu’on peut à chaque instant faire déménager.
“L’Homme et l’Hirondelle”