Certain Aventurier, jeté par la tempête
Dans une île du Sud, ayant eu, de tout temps,
De grands Singes pour habitans,
Se mit, par hasard, dans la tête
Qu’il pourrait, par des soins assidus et constans,
Policer les Pongos et les Orangs-outangs.
Ces Singes, disait-il, si l’on en croit l’histoire,
Formaient jadis un peuple : on les vit autrefois
Tenir tête aux Carthaginois,
Et leur disputer la victoire.
Les Pongos, à la fin, vaincus et dispersés,
De l’Afrique furent chassés.
Rendons-les, s’il se peut, à leur antique gloire.
Notre Homme était un peu malade du cerveau :
Plein du projet dont il raffole,
Il prend quelques Pongos au sortir du berceau,
Et le voilà tenant école.
Après un an ou deux, les Singes, sans broncher,
A l’aide d’un bâton, parviennent à marcher.
Ils avaient quelque intelligence.
Le Professeur absent rentrait-il au logis,
Ses élèves, par déférence,
Se levaient, s’ils étaient assis,
Etlui faisaient la révérence.
Enfin, dit celui-ci, le moment est venu
De leur apprendre un art aux Pongos inconnu.
Quand l’enfant, encore enhas âge,
Marche seul, et sans bourrelet,
On sait que le commun usage
Est de le mettre à l’Alphabet;
Ne perdons pas de temps, et que l’on puisse dire
Qu’enfin, grâce à mes soins, les Singes ont su lire!
Voilà tous nos Pongos, un Alphabet en main;
Mais ce livret, comme on peut croire,
Chef-d’œuvre de l’esprit humain,
N’était pour eux que du grimoire.
Le Maître, à l’expliquer, use en vain ses poumons;
Il y perd, à la fois, son temps et ses leçons.
A-t-il recours à la menace,
Et ride-t-il son front, de dépit et d’ennui,
Chaque Pongo fait la grimace,
Et ride son front comme lui.
Cédant, un jour, à sa colère,
Il donne un soufflet à l’un d’eux;
Et voilà que, pour son salaire,
Au lieu d’un, il en reçoit deux.
Ardent à réprimer cette insolence étrange,
Il court à son bâton. Les Pongos mécontens
Se saisissent des leurs, et l’école se change
En arène de combattans.
Oblige de céder au nombre qui l’accable,
Le Maître, rosse tout de bon,
Jette enfin loin de lui son funeste bâton,
Et donne, de bon cœur, tons les Pongos au diable.
Malheureux ! leur dit-il, je ferme désormais
Les portes de l’académie.
De vous civiliser qu’un autre ait la manie ;
Pour moi, j’y renonce à jamais.
Je vois trop qu’au siècle où nous sommes,
Le Maître, à l’expliquer, use en vain ses poumons;
Il y perd, à la fois, son temps et ses leçons.
A-t-il recours à la menace,
Et ride-t-il son front, de dépit et d’ennui,
Chaque Pongo fait la grimace,
Et ride son front comme lui.
Cédant, un jour, à sa colère,
Il donne un soufflet à l’un d’eux;
Et voilà que, pour son salaire,
Au lieu d’un, il en reçoit deux.
Ardent à réprimer cette insolence étrange,
Il court à son bâton. Les Pongos mécontens
Se saisissent des leurs, et l’école se change
En arène de combattans.
Oblige de céder au nombre qui l’accable,
Le Maître, rosse tout de bon,
Jette enfin loin de lui son funeste bâton,
Et donne, de bon cœur, tons les Pongos au diable.
Malheureux ! leur dit-il, je ferme désormais
Les portes de l’académie.
De vous civiliser qu’un autre ait la manie ;
Pour moi, j’y renonce à jamais.
Je vois trop qu’au siècle où nous sommes.
Prétendre changer les Pongos,
C’est compromettre autant son honneur, son repos,
Que de vouloir changer les hommes.
“L’Homme et les Singes”