Tôt ou tard le méchant se punit de lui-même.
En vain sa prudence est extrême,
En vain il prend un masque ; il se trahit un jour
El se dévoile sans retour.
On le cite, on le fuit : l’heure de la justice
Vient de sonner pour son supplice.
Un homme, autrefois riche, avait été trompé
Par son meilleur ami : le voilà sans fortune.
Tout plein de sa douleur, sans force, inoccupé,
Il loge en sa maison la misère importune.
Sans cesse à son malheur on le voyait penser.
Un jour que tristement il rêvait sur sa porte,
La Fortune vint à passer.
Elle était sans bandeau. -Tu rêves?- Que t’importe? –
— C’est répondre assez mal. Je suis bonne aujourd’hui.
Et je lirai dans ton ennui :
Tu n’as plus qu’un désir.-Lequel ?-C’est la vengeance.-
— D’où te vient tant d’intelligence ?—
— Je suis la Fortune, et je peux
Me charger d’accomplir tes vœux.—
— Toi, déesse aveugle et légère !—
— On connaît mal mon caractère,
Et tu sais fort bien que j’y vois.
Mais trêve là-dessus. Si quelqu’un autrefois
Eut envers toi des torts cruels, impardonnables.
Je saurai te venger. Reste calme, prudent.
Je porte quelquefois un bandeau ; cependant,
J’épargne bien peu de coupables.
“L’Homme offensé et la Fortune”
- Alexis Rousset , 1799 – 1885