Sortant mystérieuse, avec un doux murmure,
D’une grotte rustique, œuvre de la nature,
Promenant, sans bruit, son limpide cristal
Parmi les blancs cailloux d’un modeste canal
Enterré dans la mousse, à l’ombre d’un vieux chêne,
Une claire fontaine
Sans tarir emplissait, pour le hameau voisin,
Un réservoir creusé sur le bord du chemin.
Ceux qui voyaient cette eau si limpide, si claire,
Et si bien ombragée en ce lieu solitaire,
Éprouvaient aussitôt le désir d’en goûter
Sans même avoir besoin de se désaltérer.
Chez Mathurin, pourtant, ce n’était pas de même,
Car pour l’eau son horreur allait jusqu’à l’extrême ;
En revanche, adorant et bénissant le vin,
Il poussait à l’excès l’amour du jus divin ;
Ainsi donc, certain jour de noce sans pareille.
Qu’il avait trop fêté la divine bouteille,
Pour retourner chez lui, compère Mathurin
S’en allait festonnant tout le long du chemin :
Tout-à-coup arrivé devant notre fontaine.
Va ! va ! s’écria-t-il, balbutiant à peine,
Va, je ne boirai pas, fontaine, de ton eau !
J’en jure par le Dieu tout-puissant du tonneau.
A ces mots, chancelant et perdant l’équilibre,
De tous ses mouvements notre homme très-peu libre
Incline tout-à-coup du côté du bassin,
Attiré malgré lui par un esprit malin ;
Et, tombant au milieu de l’élément perfide,
Pique, sans le vouloir, une tête splendide.
Dieu sait alors combien le pauvre malheureux,
Sans en avoir envie,
Du liquide abhorré but de coups vigoureux.
Il en but tant, hélas ! qu’il en perdit la vie.
Après avoir dit non, survient tel ou tel cas
Où l’on fait, malgré soi, ce qu’on ne voulait pas.
“L’Ivrogne et la fontaine”