Clopin clopant et la face rougie,
Le compère Thomas, au sortir d’une orgie,
S’écriait: «Au secours ! au secours ! je me meurs.
Au diable toutes les liqueurs !
De l’eau ! de l’eau ! Ma bonne femme,
Vite, accours éteindre la flamme
Qui brûle et dévore mon corps.
Çà ! que l’on me jette dehors
Et flacons et brocs et bouteille.
Non, je ne boirai plus. Fi du jus de la treille,
Qui pourrait bien un jour m’emporter chez les morts !
Manon, chère Manon, c’en est fait, je te jure
D’être plus sage à l’avenir ;
Par Bacchus ! si j’allais mourir
Sans faire ton bonheur, céleste créature,
Dont mes libations causent le désespoir !
Je veux t’aimer du matin jusqu’au soir,
Je ne quitte plus ma demeure.
A chaque minute, à toute heure,
Je veux, de tes conseils nourri,
Qu’on dise — ah ! de bonheur j’en pleure —
Qu’il est changé Thomas ! Oh ! le charmant mari !
Viens, viens, objet de ma tendresse,
Viens, sur mon sein que je te presse,
« Afin que nos cœurs rapprochés
L’un sur l’autre, Manon, soient à jamais penchés !
Oui, c’est ainsi que lorsqu’on s’aime,
On peut voir deux tendres époux
Du sort cruel défier tous les coups.
A bas le vin ! Et vive l’eau quand même !
Je te le jure franc et net. »
La pauvre Manon pleure et ne sait plus que croire.
« Ah! dit-elle, à la fin si tu n’allais plus boire !… »
Le lendemain , Thomas retourne au cabaret.
“L’Ivrogne et sa Femme”