( Fable allemande )
Un oiseau, mais tel, disoit-on,
Que pas un vieillard du canton
Jamais, mort ou vivant, n’avoit vu son semblable,
En poussant un cri lamentable,
Parut, un jour de foire, à midi, se percher
Sur le faîte d’un vieux clocher.
Ce volatile avoit les ailes étendues,
Comme s’il voguoit dans les nues.
Mais ce que l’oeil des curieux
Y trouve de prodigieux
C’est une aile qu’on voit sortir de son échine ;
On auroit dit la nageoire argentine
Que portent sur le dos quelques hôtes des mers.
Jamais, depuis qu’un Rat se fit voir dans la lune,
Phénomène plus grand n’effraya l’univers.
Pour calmer la terreur commune,
Un maçon se dévoue, et va sur les couverts.
L’Oiseau répète encor son triste cri d’angoisse,
Quand l’intrépide Limousin
L’empoigne de sa large main,
Et montre à toute la paroisse
Un autour moribond qu’une flèche a percé.
Tandis qu’au mur le fer étoit fixé,
La plume, dont la flèche est munie à la cime,
S’arrêta hérissée au dos de la victime.
On ne s’attendoit guère à pareil dénouement ;
Et les plus sots sont ceux qui s’étoient davantage
Mis en frais de raisonnement.
On trouve des badauds partout, même au village,
Mais ne rions pas de ceux-ci,
Et croyons qu’on peut voir des Oiseaux à trois ailes,
Plutôt que des humains que ne tienne en souci
L’aspect inattendu des moindres bagatelles.
“L’Oiseau qui avait trois Ailes”