» Je me retourne ; je m’agite ;
En vain je cherche à sommeiller !
A mon front fatigué monte une ardeur subite :
Loin de moi, maudit oreiller ! »
Ainsi parlait Berthold… Il gronde sa servante…
Il veut que dès le lendemain.
D’un oreiller de crin la fraîcheur bienfaisante
Remplace son traversin,
L’oreiller souple et tendre, à la plume brûlante…
On obéit… En dormira-t-il mieux ?
Hélas ! prévoyance inutile!
En vain la servante docile
A proscrit le duvet et l’oreiller soyeux !
Le lendemain crise nouvelle !
Berthold sent à son front monter les mêmes feux!
Le sommeil, qu’en vain il appelle,
Plus que jamais trompe ses vœux !
Mieux avisé, Berthold change sa vie…
Le travail, cet ami que toujours il a fui.
Soudain vient le charmer, et combat son ennui…
La douce piété, l’ordre, l’économie ,
Ces faciles vertus, qu’en sa longue folie
Il ne connaissait que de nom,
Pour ses yeux, que voilait un rêve.
Et sur lesquels le jour se lève,
Cessent d’être une illusion !
Berthold se couche et tout d’un somme,
Sur l’oreiller de plume il dort jusqu’au matin :
» Eh quoi ! dit-il, suis-je un autre homme ?
Qui donc change ainsi mon destin ?
Jusqu’au jour je dors… quelle fête !…
A la raison, qui me vint conseiller,
Du repos, je dois la conquête;
Quand la sagesse est dans ma tète,
Le sommeil est dans l’oreiller. »
“L’Oreiller”