Un jour (c’était le dernier jour de l’âge d’or), le Mensonge surprit la Vérité endormie il la dépouilla de sa robe blanche, s’en revêtit, et devint aussitôt le dieu de la terre. Le monde séduit par on faux éclat, se vit en peu de jours déchu de sa première innocence; il renonça à toute sagesse, à toute probité. La Vérité fut chassée et méconnue, et l’on rendit au Mensonge, qui avait usurpé son nom, le culte qui lui était dû. Tout ce qu’elle faisait, passait pour des extravagances.
Quand la Vérité hasardait une remontrance, on lui riait au nez: s’abaissait-elle à la prière, on la traitait d’importune. Elle allait en vain de porte en porte, et lorsqu’elle se présentait pour entrer, on lui criait de passer son chemin. Un insolent osa même taxer sa nudité de libertinage.
«FI, disait-il, il n’y a que la plus grande effronterie qui puisse donner la hardiesse de courir les champs en cet état !Retire-toi, misérable; tu ne trouveras point ici de séduction facile.»
La Vérité prit la fuite toute baignée de larmes, elle alla se cacher dans un désert. Mais elle y était a peine arrivée, qu’elle trouva dans un buisson les vêtements bigarrés qu’y avait laissés le Mensonge. Elle n’hésitait point de s’en couvrir, et sous ces habits c’était toujours la Vérité, mais ornée des ajustements du Mensonge.
Elle retourna parmi les hommes: ils se virent avec plaisir, et ceux qui avaient été le plus scandalisés de sa nudité, la reçurent agréablement sous cette parure étrangère et sous le nom de Faite qu’elle adopta.
“L’origine de la fable“