Félix MOUSSET
Le Lion s’éprit d’amitié
Pour un ours qu’il trouva près d’un roc solitaire,
Maigre et sale à faire pitié,
Vivant de quelques fruits et s’abreuvant d’eau claire.
Lui-môme l’emmène à la cour,
Parmi ses grands vassaux lui choisit une place.
On rit un peu : ce fut l’effet d’un jour…
Le roi l’aimait! chacun lui trouva de la grâce.
Le rustre cependant, envers son bienfaiteur
Montrait peu de reconnaissance,
Trouvant qu’on lui devait cela, que sa naissance
Le désignait, sans autre protecteur.
Contre son maître il monte une cabale,
Et veut mettre en échec l’autorité royale.
Le lion courroucé fit venir le manant.
« Je pourrais à mes chiens te livrer sans défense,
Dit le roi méprisant, mais tout bien vu, je pense
Qu’on peut t’utiliser. Je connais maintenant
Exactement ce que vaut ion engeance,
Je te garde à la cour et pour nous amuser,
De temps en temps nous ie ferons danser.
Je te crus grand seigneur, je te pourvus d’un titre ;
Je vois que lu n’étais qu’un assez mauvais pitre. »
L’ours qui tremblait déjà fortement d’être mis
Par son royal maître en salmis,
Fut bientôt réputé pour son humour charmant.
Moralité
Oignez vilain, il vous poindra ;
Poignez vilain, il vous oindra.
Vieux dicton, vérité constante.
“L’Ours et le Lion”