Un ours, lourdement imbécile,
Avec un daim superbe, agile,
Un matin osait parier
Qu’il l’emporterait à la course.
Un daim ne se fait pas prier ;
Fait comme il l’est, il a de la ressource ;
Mais il faut des juges experts.
« Le lynx, dit-il, a l’œil fin ; je le nomme. »
L’ours, dans les animaux divers,
Choisit, au lieu de ceux dont l’œil perce les airs,
Une taupe aveugle, ou tout comme.
« Halte-là ! leur crie un renard,
Déjà votre affaire est jugée :
L’ours n’a point fait un tel choix au hasard ;
Sa conscience en secret est chargée.
Il sait que la taupe, à six pas,
En juge mal, puisqu’elle n’y voit pas. »
Celui qui se réserve un moyen de chicane,
Intérieurement se juge et se condamne. »
“L’Ours et le Daim”