Loin de Jean Lapin, son grand-père,
A travers taillis et clairière,
Du serpolet à la fougère,
Jeannot trottait, trottait, trottait.
Pour Paris quittant sa chaumine,
Brillante de grâce enfantine,
Comme une reine en sa berline
Margot roulait, roulait, roulait.
Qu’arriva-t-il de la fillette ?
Fut-elle muse d’un poète ?
Ange, ou sirène, ou noir démon ?
Un Turcaret*, gros, riche et bête,
L’affichait-il en son salon ?
Un prince en fit-il la conquête ?
Simplement tomba-t-elle aux bras
D’un Don Juan de galetas ?
Voilà ce que je ne sais guère,
Voilà ce que je ne sais pas.
Pour Jeannot, c’est une autre affaire :
Je tiens d’un véridique auteur
Qui ne dit rien à la légère,
Que lutinant de fleur en fleur,
Vrai Lovelace de bruyère,
Jeannot vivait en grand seigneur,
Donnant au diable, de bon cœur,
Les sages conseils de sa mère.
Soudain, voici qu’en un sentier
Tout parfumé de centaurée,
Aux feux du soleil printanier
De loin mon Jeannot voit briller
Comme une couronne dorée
Qui se dressait sur la feuillée.
« Eh ! s’écria-t-il, qu’est ceci ?
« Une couronne en ces lieux-ci ?
« Attribut du pouvoir suprême,
« Orgueil du grand Jupin lui-même,
« Serais-tu pas tombé des cieux
« Pour orner mon front radieux ? »
Ce disant, vers le diadème
Le bout du nez il avança,
Puis il y fit passer la tête,
Puis au cou de la pauvre bête
Le beau fil d’or s’embarrassa…
Jeannot fit couic !… et trépassa.
Bonnes gens, qui venez de lire
La triste fin de mon Jeannot,
Par hasard pourriez-vous me dire
Ce qu’à Paris devint Margot ?
*Tartuffe.
“Margot “