Les faits suivants ne sont point apocryphes.
Minette ayant fait ses petits,
Les retourna, les compta sur ses griffes.
« Douze, dit-elle : un noir, sept rouges, quatre gris.
Bon! cherchons à présent, cherchons une cachette
Bien secrète. »
L’échelle servant d’escalier,
Elle les transporte au grenier,
Y fait un trou dans la muraille,
Trou qu’elle tapisse de paille,
Y dépose ses nouveau-nés,
Puis les ayant encor comptés et retournés :
« Je crois bien qu’à présent je puis être tranquille :
Qui viendrait les chercher ici, dans cet asile,
Mes pauvres petits, mes amours ? »
Cependant au bout de trois jours,
Quatre au plus , voilà que Manette,
Dans l’intérêt seul de Minette,
Dans l’intérêt De son lait
(Manette c’est la cuisinière),
Leur fait prendre un bain de rivière.
Un seul, et c’était le plus beau,
Un seul n’est pas jeté dans l’eau.
Compte refait, la pauvre mère
Pleure, se plaint, se désespère,
Miaule, pousse de longs cris.
« Qui donc m’a volé mes petits ?
Manette?. -. non ! Est-ce Fidèle ?
Il ne monte pas à l’échelle.
Si cependant… Gare à ses yeux !
Gare à sa peau ! » Le malheureux,
Cherchant un os, quelque pâture.
Vint à passer, par aventure,
Près de l’échelle ou l’escalier
Qui conduit Minette au grenier.
« C’est lui! » Minette, furieuse,
S’élance, ardente et courageuse,
Le griffe, et le griffe si bien,
Qu’elle éborgne le pauvre chien.
J’ai voulu par cette fable
Prouver que l’innocent Souvent
Est pris, puni pour le coupable,
Et qu’on ne doit jamais porter un jugement
Légèrement.
“Minette – fable”