Des marchands ruinés par deux ou trois naufrages
Réclamoient de Neptune intérêts et dommages.
Ce Dieu leur dit : « Du gain quand l’espoir vous a lui,
» Vous m’avez confié vos biens, ou ceux d’autrui,
» Sans garants, de plein gré.
» Vous connoissiez peut-être
» L’Eurus, l’Aquilon, les Autans,
» Ces brigands effrontés dont Eole est le maître,
» Et que mon Quos ego, dans leurs déportements
» N’arrête pas toujours à temps.
» Vous saviez quels écueils, quels détroits asservissent
» De leur captivité mes ondes qui frémissent,
» Et se vengent sur le nocher,
» De ces parages-là quand il ose approcher.
» A ces chances qu’on doit courir dans mon domaine,
» Dirai-je quels fléaux joint la malice humaine ?
» Mon trident est en vain propice au nautonnier,
» Quand la flamme et le fer sont d’accord pour l’atteindre.
» De trouver ce qu’on cherche a-t-on droit de se plaindre ? »
Neptune en dit assez pour se justifier.
Ésope fit par cœur apprendre cette Fable
Au créancier désespéré
D’un jeune libertin, débiteur insolvable.
Au temps du Directoire, ou de l’abbé Terrai,
Qui jamais ne lâcha ce qu’il avoit serré,
Je doute qu’un récit semblable
Eût consolé d’autres rentiers
Du naufrage de leurs quartiers.
“Neptune et les Naufragés”