Le Lion vêtu de la peau d’une Biche (1) – L’invention de cette fable politique est due à un écrivain français appelé Audin. Son recueil, intitulé Fables héroïques, et orné de figures en taille-douce, parut pour la première fois en 2 vol. in-8°. Paris, Loyson et Guignant, 1648.
C’est en vain que j’ai consulté les annales littéraires du temps pour avoir quelques éclaircissements sur la vie et la personne de cet auteur, dont les fables, dédiées au chancelier de France Séguier, ont précédé de vingt années la première édition de celles de La Fontaine. Le nom d’Audin ne se trouve consigné dans aucun dictionnaire historique. Il est cependant difficile de concevoir le motif d’un tel silence. Quelques fabulistes, entre autres Boursault, Le Brun, Barbe, Grozelier, ont su mieux apprécier ce modeste écrivain, à qui ils ont emprunté les sujets de plusieurs apologues. Les fables d’Audin, quoique écrites en prose, et d’un style qui a vieilli, ne sont point dénuées de mérite, soit du côté de l’invention, soit du côté de la morale. Telle fut sans doute l’opinion de Bruzen de La Martinière, qui, après avoir fait disparaître du recueil ce qu’il y avait d’expressions trop surannées, en publia une nouvelle édition en 1720, et la dédia au prince des Asturies, depuis roi d’Espagne, sous le nom de Louis Ier. Le célèbre Fossati ne dédaigna pas non plus de les traduire en italien, pour les comprendre dans la belle collection de fables qui fait tant d’honneur au burin de cet artiste. Audin, à l’exemple de Bidpaï et de Sandebar, qui ont fait de leurs fables un livre de maximes d’état, semble s’être proposé le même but que ces deux philosophes indiens ; mais il y a cette différence qu’au lieu d’enchaîner comme eux ses fables l’une à l’autre, de les confondre, d’en suspendre le récit à chaque page, Audin les détache au contraire avec soin, et qu’après avoir présenté isolément le sujet de chacune d’elles, il place à leur suite un discours plus ou moins étendu, qui lui sert à développer sa matière, et dans lequel il fait entrer divers traits d’histoire tant ancienne que moderne.
J’ai cru devoir consacrer cette note à un écrivain estimable dont le nom, ce me semble, n’aurait point dû échapper à nos nombreux biographes.
Il paraît qu’Audin était né en Languedoc, ou du moins qu’il y a passé une partie de sa vie dans les exercices monastiques. C’est ce que fait augurer le frontispice de son livre : il y prend le titre de prieur de Termes et de la Fage, deux villages situés dans cette ancienne province. Cela explique comment le monde a pu ignorer l’existence d’un ouvrage dont l’auteur avait lui-même renoncé au monde.
Cette notice était achevée lorsque j’ai découvert à la Bibliothèque royale deux autres ouvrages d’Audin : l’un intitulé, Tableaux de l’histoire de France, avec gravures, a vol. in-4°- Paris, Sommaville, 1647- Le premier volume est dédié au roi ; le second au cardinal Mazarin. Il en est fait mention dans la Bibliothèque historique de la France, par le P. Lelong, t. II, art. 22,261. L’autre ouvrage d’Audin est un manuscrit en parchemin, format in-16 oblong, composé de 52 pages, et ayant pour titre : Devises à monseigneur l’éminentissime cardinal de La Valette. Le volume qui a appartenu à la bibliothèque de l’Oratoire, avant de passer à celle du roi, est relié en maroquin, et le dos, ainsi que la couverture, sont parsemés de fleurs de lis. (Notice sur Audin par Antoine François Le Bailly)
“Notice sur Audin par Le Bailly”