Christian Satgé
Fabuliste contemporain – Édito – Pas si bêtes, les bêtes ! (Voltaire)
Christian Satgé, Professeur d’Histoire & de Géographie à Poueyferré dans les Hautes-Pyrénées…
Blog de l’auteur : Les rivages du Rimage
– Fables sur ce site
Pas si bêtes, les bêtes ! (Voltaire)
Une question m’a été posée : « Mais quand écrivez-vous vos apologues, grains d’un fablier pluri-centenaire ? » La réponse est simple, Simplet : puisque ennui à minuit nuit à la nuit et que « la nuit, tous les chats… dorment », comme aime le seriner le philosophe français du second XXe siècle, Patrick Timsit, c’est en nocturne, pendant que d’aucuns dorment comme des marmottes, que transpire ma plume, qui prend la mouche autant qu’elle accouche de cafards, ne me laissant plus un poil de sec. C’est ainsi, chez moi, l’obscurité la plus totale n’a jamais empêché une nuit blanche surtout quand je suis gris. Et mon encre bleue de la sorte sue mon sombre amour des Hommes, que je travestis en bêtes, surtout ceux de ma Patrie puisque « les Français sont des veaux », comme l’avait affirmé le premier d’entre eux, Charles de Gaulle, en son temps désormais révolu. Et, avançant plus comme une tortue qui a le bourdon que filant comme un lièvre qu’on aurait levé à défaut de posé, à l’image de Jean de La Fontaine à l’ombre duquel je déploie mes “L” et toutes les autres lettres de l’alphabet : « Je me sers des animaux pour instruire les hommes » qui se croient pourtant, leur mémoire d’éléphant claquant du bec, si bien éduqués en tout modèles à singer. Et puis j’écoute ce bon génie de Léonard n’incitait-il : « Va prendre tes leçons dans la nature » ; et je suis, comme en écho, George Sand disant « le seul maître à étudier, c’est la nature » qui rend chèvre. Édifiant non à l’heure où la paresse d’esprit consume à grande flemme ce monde ?
Sans vendre la peau de l’ours que je n’ai nulle envie de tuer, pourquoi parler d’animaux, alors ? Mais parce que « le singe (est) un homme qui n’a pas réussi » comme l’écrivait ce vieux Renard de Jules et aussi parce que, pour reprendre, son contemporain ne comptant pas pour rien, George Bernard Shaw, qui comme moi a toujours préféré la grâce grasse à l’éthique étique : « Les êtres humains sont les seuls animaux dont j’ai réellement peur. » Et s’il est des auteurs qui n’évoquent les autres que pour mieux parler d’eux-mêmes, modestement je parle de nous, pour que toi et moi ne finissent pas en noue, préférant, bon dragueur, deviser avant de tirer, même si, parfois, des haines recuites me poussent au parler cru. Sans donner de leçon à quiconque, je me refuse pourtant à la position démissionnaire sur bien des sujets. Bien sûr, adorable lectrice et aimable lecteur, tu dois te dire à me lire qu’il est des gens qui ne manquent pas d’air mais ne peuvent s’empêcher de le brasser pour mieux te pomper le tien. Tant pis, comme disent les vaches de mes Pyrénées où certains vieux pères encore verts aiment à répéter, pour justifier que la patience d’une femme est aussi courte qu’est brève la sagesse d’un homme, que peu importe que le bouc soit vieux si la chèvre est prête.
Ayant du chien, je ne songe qu’à ouvrir mes lourds yeux de rêveur éveillé sur ce qui nous entoure. Et convenez que l’Homme, soit dit entre nous la plus piètre conquête du cheval, myope comme une taupe sur lui-même et œil de lynx clairvoyant sur son voisin, « est un animal si égoïste » que l’on peut dire, sans méchanceté aucune, avec Jules Verne que « la férocité humaine dépasse celle de la nature » surtout lorsque cet animal, plus social que sociable se déplace en troupeau, véritable panier de crabes excluant tout mouton à cinq pattes, où jeunes loups ayant les crocs le disputent aux vieux renards pas vraiment sereins. Et pour ce faire, la déraison se donne toujours toutes les raisons. Car notre Humanité, de tout temps, s’entend comme chiens et chats, entre jungle et zoo, entre verbes impératifs et adjectifs possessifs. Donc, mangeant du lion à force d’avaler des couleuvres, c’est dans ma nature d’en causer quoi qu’il m’en coûte car il n’est pas d’écrits où on ne laisse de plumes. Puisqu’aujourd’hui, on médite plus qu’on ne m’édite, me voilà dans le creux de la vague avec mes maximes et morales et, donc, ne vais pas tarder à finir sur le sable. En effet, ici-bas s’il est des vérités qui ne sont pas bonnes à dire, il en est plus encore qu’il vaut mieux ne pas croire quoiqu’elles fassent florès dans une société que je n’ai pas choisie, en un temps qu’on m’a imposé où j’essaie de vivre en bonne intelligence avec une tripotée d’imbéciles qui s’ignorent.
Et bien qu’un auteur qui se livre, soit-il facteur de fables, soit un peu comme un canard qui se confie, je reste désabusé mais fabuleusement vôtre…
Christian Satgé