Innocente et gracieuse,
Tant joyeuse, Tant rieuse,
Perrette un jour s’en allait
Au marché porter son lait ;
Mais en marchant l’étourdie
Si jolie, Si fleurie,
A son lait pensant hélas !
De plaisir sautait tout bas.
Puis chemin faisant,
En devisant,
La petite follette
Comptait le montant
De sa recette,
Et s’en allait chantant :
Pour moi, mon Dieu! quelle fête!
Car je tiens là sur ma tête
Tout cet argent mignon,
Bon bon bon bon bon bon,
La la la la la !
Je veux avec ma recette,
Dit Perrette,
Faire emplette
D’un mouchoir de crêpe ombré,
Et d’un beau ruban moiré ;
Je veux qu’allant à l’église
Si bien mise,
Chacun dise :
Que pour le bon Dieu toujours
Je mets mes plus beaux atours.
Et plus fière encor
De son trésor
L’innocente laitière
Comptait, recomptait
La somme entière,
Et tout bas répétait :
Pour moi, mon Dieu! quelle fête!
Car je tiens là sur ma tôle
Tout cet argent mignon,
Bon bon bon bon bon bon,
La la la la la!
Mais dans sa joie imprudente
La charmante Danse et chante.
Puis tombant dans un fossé,
Tout son lait fut renversé!…
Adieu, ma pauvre Perrette,
Ma toilette
Si coquette,
D’un rêve aussi plein d’appas
Le réveil vient d’un faux pas…
Puis tout en pleurant,
La pauvre enfant,
Retournant au village,
S’en allait disant :
Dieu ! quel dommage!
Ah! j’en mourrai vraiment!
Pour moi c’était une fête !
J’avais l’argent sur ma tête !
Maudit soit du faux pas !
Ah! ah! ah! ah! ah !
D’après ce bon La Fontaine,
Châtelaine
Et vilaine,
Courant par les prés en fleurs,
En tombant versaient des pleurs.
Ainsi la pauvre Perrette,
La fillette
Joliette,
En pleurant tout son trésor
Regrettait ses rêves d’or…
Mais soudain Lucas
Lui dit tout bas :
Perrette si jolie,
Oh! ne pleure pas;
El je t’en prie,
Que mon bien soit le tien…
Bientôt la jeune laitière,
D’un tel amour toute fière,
S’unit au bon Lucas,
La la la la la la la la !
Adolphe Porte.
La musique, de Célestin Petit, arrangée par M. Etienne Arnaud, se trouve, à Paris, chez M. Heu-gel, éditeur, 2 bis, rue Vivienne. (Perrette et le Pot de lait)