André-Clément-Victorin Bressier
Veut-on un spectacle amusant ?
Vive Polichinelle ! Il n’est rien qui l’égale.
Avec sa double bosse et sa voix gutturale,
Toujours chantant, dansant, frappant,
Ce personnage est fort plaisant.
Son éloquence est triviale ;
Ses quolibets, quelque peu surannés
Et d’un gros sel assaisonnés,
Sont l’écho de ceux de la halle.
N’importe, tel fils de Momus
Dont l’indulgent public des boulevards admire
Les calembours et les rébus,
Jamais d’aussi bon cœur n’a su me faire rire.
Lorsque j’étais enfant, si je pouvais le soir,
Trompant l’œil vigilant d’une bonne prudente,
Du logis paternel m’échapper pour le voir,
Pour moi quelle fête charmante !
Et maintenant encore, avec mes cheveux gris,
Je me mêle un instant à la foule musarde ;
Comme un franc badaud je regarde,
Trouvant (ah ! vraiment j’en rougis)
Je ne sais quel attrait à ces grossiers lazzis.
Essayons de conter quelque scène comique,
De celles qu’on voit constamment
Faire éclater subitement
Un rire immodéré sur la place publique.
Bon… m’y voilà. Paré de son bel habit vert,
Entre en scène le beau Léandre,
Qui vient d’un air galant et tendre
Donner à sa belle un concert.
Puis survient le seigneur Octave,
Octave son rival, qui l’insulte et le brave.
Léandre se met en courroux ;
Des propos on en vient aux coups.
Au plus fort de la noble lutte,
Polichinelle arrive, armé de son bâton.
« A mon maître, dit-il, qui cherche ici dispute ?
C’est Octave ? Ce fanfaron ?
Eh ! vite au secours du patron ! »
Il dit, animé d’un beau zèle,
Frappant à tour de bras dans son fougueux transport.
Sans trop regarder où, ce serviteur fidèle
Étend son maître roide mort.
L’histoire de Polichinelle,
Au dire des malins, rappelle
Un autre genre de combat
Dont pareil est le résultat.
Quand le mal corps-à-corps saisit un pauvre diable,
Auxiliaire redoutable,
Esculape intervient et prend part au débat.
Il frappe d’estoc et de taille,
Il veut exterminer le mal ;
Mais le malade, hélas, atteint du coup fatal.
Reste sur le champ de bataille.
“Polichinelle”