Un ami du sage Sadi
Parvint, de modeste cadi
(Grâce au pouvoir secret d’une jeune sultane).
Au poste de reiss-effendi.
Ou ministre de la chicane.
Une foule de gens encombrait chaque jour
Le palais de son excellence :
Sadi seul n’alla pas lui faire un doigt de cour ;
Il était loin pourtant d’être dans l’opulence…
Or, le reiss-effendi, surpris de ne pas voir
Le sage qu’il vénère, en secret un beau soir,
Chez lui le va trouver : — « Eh ! quoi, mon nouveau titre
« M’aurait-il fermé le chemin de ton cœur? »
« — Non, j’attends pour aller visiter ta grandeur,
« Que des grâces, des rangs, le versatile arbitre
« T’enlève son appui, sa royale faveur.
« Je n’aime pas la foule… Aujourd’hui, l’on te fête ;
« Demain la défaveur planera sur la tête :
« Tu seras seul !… Alors, j’aurai tout le loisir
« D’aller voir mon ami, mais non point le visir.
“Sadi. Fable”