Maria B.
Fable XIX º – Une rose, un papillon et moi
Pour Églé, ce matin , aux bosquets d’Idalie
J’étais prêt à cueillir rose la plus jolie,
J’allais la séparer
De sa tige naissante,
Quand d’une voix suppliante ,
Jeune et beau papillon est venu m’implorer ;
Car papillon qui jamais ne repose
Était pour cette fois, constant près de la rose ;
Épargnes, m’a-t-il dit, cette innocente fleur ,
Je l’aime avec ivresse, elle fait mon bonheur.
Et la rose à son tour , d’un air plein de tendresse ,
De ne pas la cueillir me supplie et me presse :
Si la beauté qui règne sur ton cœur,
Si ton Églé,, me disait, cette fleur,
De moi peut recevoir grâce ou fraîcheur nouvelle,
Je cède avec plaisir.
Mais, dis-le moi, qui la rendra plus belle ?
Hélas ! sur son beau sein tu me verras pâlir,
Tant je perdrai de mon éclat près d’elle !
Et puis que deviendra si gentil papillon
S’il est privé de ce qu’il aime ?
Ah ! que deviendrais-tu toi-même ,
Si, par caprice ou sans raison,
Un autre t’enlevait bien douce et tendre amie ?
Le désespoir bientôt terminerait ta vie.
— Arrête m’écriai-je ! O fleur que je chéris !
De ta juste leçon, oui, je sens tout le prix ;
Aimable papillon, et toi, charmante rose ,
Vous m’apprenez bien aujourd’hui
Qu’en prenant un plaisir, j’y dois mettre une clause :
C’est qu’il n’en coûte rien au bien-être d’autrui.
Maria B
Le Papillon : journal des dames, des salons, des arts, de la littérature… Lyon – 1832