Claude Joseph Dorat
Poète et fabuliste XVIIIº – Biographie de Claude Joseph Dorat
Dorat (Claude-Joseph), né à Paris le 31 décembre 1734, a voulu marcher aussi sur les traces de La Fontaine et glaner dans le champ qu’il avait moissonné ; Dorat, qui fut un des types de cette légèreté française, de cette frivolité, de cette insouciance que nos merveilleux du siècle dernier avaient si bien mise à la mode. Il en eut besoin ; car on aurait à composer dix volumes, si l’on voulait recueillir toutes les épigrammes que l’on fit contre lui. Il avait à peine vingt ans, quand il donna sa première pièce au théâtre ; et, depuis, il ne s’écoula pas un mois qu’il n’offrit une nouvelle production aux yeux du public. « Nous sommes, disait-il, comme le laboureur ; il sème avec profusion, parce qu’il sait que tous les grains ne lèveront pas. » S’il eût semé comme un laboureur, il eût récolté comme lui ; mais il semait avec profusion, et le laboureur sème avec une sage économie, pour qu’un grain ne soit pas étouffé par un autre.
Épître, élégie, fable, héroïde, poésie didactique, comédie et tragédie même, il n’est pas un genre de littérature qu’il n’ait voulu traiter. Aussi n’est-ce pas sans raison qu’on lui a composé cette épitaphe :
De nos papillons enchanteurs
Émule trop fidèle,
Il caressa toutes fleurs
Excepté l’immortelle.
Dorat ne travaillait que la nuit, pour se donner un air de facilité, et pour ne pas déroger à cette réputation de légèreté, dont il était si jaloux ; ainsi, papillonnant tout le jour au milieu du beau monde, ses ouvrages ne semblaient lui coûter que la peine de les écrire. Sa santé en fut altérée ; une maladie de langueur le conduisit lentement au tombeau; mais il ne se démentit pas un instant, et personne n’imita mieux que lui cette insouciance épicurienne, tant prônée des anciens. Soit insouciance véritable, ou par un effet de cette vanité qui nous reste encore quand tout nous échappe, Dorat, à l’heure où la mort vint frapper chez lui (le 29 avril 1780), voulut la recevoir dans son fauteuil, en habit de fête, paré de ses dentelles et frisé avec art.
Ses fables, au jugement de La Harpe, sont peut-être ce qu’il a fait de plus mauvais. A dire vrai, il n’était rien de plus opposé à cette simplicité, cette naïveté, ce naturel et cet abandon, qui sont dans les caractères de l’apologue, que les grâces maniérées et l’afféterie du poète petit-maître. Dorât écrit, dans sa préface, que la meilleure poétique pour la fable est la lecture de La Fontaine : il a raison ; mais il a mal étudié son maître. Sa versification est faible ; il a peu de mérite dans l’invention, peu de mouvement, peu de gaîté, peu de gracieux sans apprêt ; pas beaucoup de sentiment, car le cœur se tait quand l’esprit veut trop parler ; souvent nulle intention de moralité ; d’autres fois, une vérité commune sert de base à son apologue. Ce qu’il a de mieux en ce genre est, à notre avis, les deux Montres et la Leçon d’un Vieillard.
Il publia ses fables, imprimées sur un beau papier, avec des vignettes exécutées à grands frais. L’enfant est captivé par les yeux, et l’image l’invite à lire. Tous nos Quintilien l’ont dit. Néanmoins, est-ce bien pour les enfants que Dorat a fait cette dépense ? N’y verra-t-on pas une pompe de vanité, puisqu’il n’a pas commandé au burin de respecter davantage l’innocence de cet âge ?
(Cours de littérature profane et sacrée, Volume 2 – Bohaire, 1833)
Biographie de Claude Joseph Dorat