Henri Cachau
Poète et fabuliste XXº – Château
Avait-on réellement pendu tous les gens du château ?, avaient-ils jamais existé ? Depuis le lancement des croisades près de dix siècles s’étaient écoulés, toutefois, malgré cet écart le présent serait historique, monsieur le maire en était convaincu… D’ailleurs, quel sens pouvait avoir sa récente, obstinée lecture de romans de chevalerie signés Walter Scott et de ses épigones, de volumes concernant les Templiers et leur légende, jusqu’à ce jour jamais parcourus ?… Documenté à revers il prendrait ces autorisés sociologues nous affublant d’un présent orphelin de son passé… non mais !… Pour ne pas se laisser emberlificoter il nous faut prendre soit du recul, soit de la hauteur, rien n’est plus dangereux que de conduire le nez dans le pare-brise ou le guidon… Ces préventions paraissaient sensées, mais l’âge de raison dépassé, comment convaincre les adultes de délaisser leur courte vue, pour considérer ce qu’ils ne veulent pas reconnaître, alors qu’à portée de regard existe cet ancien château où il se passe d’étranges choses ? Sans doute ne souhaitaient-ils pas prendre au sérieux ces manifestations ramenant à une révolution mal vécue, ne croyaient guère à ces illusions auditives ; Jeanne d’arc entendait des voix célestes, Ferdinand des souterraines ou chtoniennes ! Ce renoncement à une page d’histoire qui s’ouvrait, requérait une explication ayant trait à de vieilles dettes, à d’improbables restitutions concernant cette conflictuelle distribution des prix et des châtiments se rapportant aux inconséquences humaines. Car ce n’était pas leur faute si jadis les Templiers avaient érigé ce dont il ne restait plus une pierre debout, une ancienne forteresse repérable au colimaçon aplani, serpentant du bas en haut de la colline la plus élevée des alentours, dont au fil des siècles ses pierres avaient servi à l’édification des logis puis d’un récent viaduc. Cependant, malgré l’inexplicable dédain des habitants envers son génie, bon ou mauvais, dans chaque famille des vestiges témoignaient de leur attachement à ce passé : des armures, des armes, des poteries, des ossements, etc., transmis de générations en générations. Sur le couchant son ombre tutélaire, menaçante, recouvrait la vallée, pour l’affronter il fallait non pas de la crédulité mais un état d’innocence que seuls les enfants nés coiffés ou dotés d’imagination, sont susceptibles de posséder, dégageant de sous les miasmes de l’Histoire ses derniers fastes et feux mal éteints ! Était-ce pour cela que les générations successives s’en étaient détournées, ne désiraient ni voir ni entendre ce que du haut de ses dix ans le petit Ferdinand interceptait ?…
– c’est comme les icebergs, les deux tiers sont immergés…
– eh bien tu en sais des choses… Mais dis-moi Ferdinand, sans rire, tu crois vraiment que par en dessous il se passe des choses…
– pas des fantômes monsieur le maire, mais des Templiers pour sûr. Notre instituteur dit qu’il a été construit sur le modèle de ceux construits en terre sainte, les empreintes le prouvent ; son survol l’a confirmé…
– madame, votre petit bonhomme je le vois historien ou anthropologue, n’est-ce pas Ferdinand que ça te plairait…
– j’en sais rien monsieur le maire, mais sûr qu’il nous racontera des histoires, et Dieu sait d’où il les tire, et comme il les enjolive lorsqu’il nous les ressert…
– mais alors, sans rire, vous y croyez aux fredaines de votre fils, à cette supposée vie souterraine qu’à notre insu mèneraient les descendants de ces chevaliers…
– à vrai dire je ne sais pas, mais son père commence à s’y intéresser, ils projettent une expédition, vous le savez, plus on est de fous, plus l’illusion se répand… de plus en plus s’accroche à cette légende.
– hum, pourtant rien n’apparaît dans nos anciens registres, quant à l’évêché ils déclarent n’avoir aucune trace, quoique l’on puisse comprendre leur réserve concernant cette désastreuse page d’histoire…
– Ferdinand avance que les preuves ne manquent pas, qu’au-delà des armes et autres débris métalliques, il suffit de prêter attention aux pierres ayant contribué à l’érection du village, que certaines portent des signes, des indications, qu’il suffirait de réunir ce puzzle afin de con-naître le fin mot…
– mais alors il nous faut trouver un Champollion, aviser la société historique seule habilitée, la préfecture…
– -dis moi Ferdinand, ces pierres comportant des signes ne serai-ce pas toi qui…
– comment j’aurais fait !, j’ai pas d’outils, je sais pas le latin, vous n’avez qu’à demander à monsieur le curé. Je lui en ai parlé, il m’a répondu que c’était du à l’usure de la pierre… Je sais qu’en même reconnaître des figures humaines, des lettres gravées, même inconnues…
Lorsque le maire de la commune quitta le domicile des parents de Ferdinand il se rendit sous la halle, fleuron du XIIIe, afin d’y étudier ces pierres angulaires portant des motifs auquel il n’avait jamais prêté attention, les examina, puis bougon –voilà qu’il allait être emmerdé ! – se rendit à l’évidence. Des scènes guerrières y étaient sculptées, elles comportaient des personnages à demi effacés, munis de cottes de mailles, de casques, d’épées, sur certains plastrons se détachaient des croix de l’Ordre des Templiers, toutes accompagnées de légendes en latin… Perplexe, il songea, concernant de sonnantes et trébuchantes retombées, à ce qui eût été plus avantageux que ces embarrassants bas-reliefs, étant donné que sur le plan du retentissement rien n’a encore supplanté une apparition mariale –avec par exemple un couple de mômes sous influence, moins futés que l’historien en herbe, quoique mythes et légendes ! –, l’attrait du surnaturel provoquant le déplacement de foules avides de manifestations célestes n’ayant rien à voir avec la course des constellations et l’entropie de notre vieux monde… quoique avec une légende opportunément revivifiée… Mais il lui faudrait penser à l’installation d’un parking, de lieux d’aisance et de repos pour les futurs pèlerins, à l’édification d’une basilique ; sans viser ni Lourdes ni Fatima, lui paraissait légitime de penser à de plus modestes lieux de pèlerinage, par exemple Notre Dame de Lorette… On peut envisager la montée en flèche du commerce local, donc des emplois, l’accroissement des ressources financières de la commune, et grâces soient rendues au ciel, une réélection pouvant courir sur au moins trois mandats… Il n’est pas interdit de rêver, par réaction (hum !) devenu communiste il se méfiait d’une mainmise de l’Église sur ce qu’elle considérerait de son domaine, aussi valait-il mieux s’occuper de cette renaissante chevalerie l’ayant autrefois vaillamment défendue contre l’infidèle !, sans trop le pousser utiliser le petit Ferdinand comme tête de pont-levis –l’édile ne put s’empêcher d’en rire – en lui proposant des opuscules concernant la légende des dits templiers, et puisqu’en notre époque où les parcs à thème fleurissent aux quatre coins de l’hexagone, pourquoi ne pas envisager un second Puy-du-Fou, suite à la réfection d’une partie du château, d’une ou deux tours, du donjon, des douves, etc.
Cependant il ne fallait pas s’emballer, se rappeler la fable : « Quel esprit ne bat la campagne ? Qui ne fait des châteaux en Espagne ?, » ne pas laisser la folle du logis s’emparer de la mairie, bien que ces apparents guerriers sculptés en ronde-bosse ainsi que d’autres disséminés au travers du village avalisent la thèse du rusé Ferdinand, mais recensés offriraient-ils de suffisantes preuves pour envisager une fructueuse mise en scène ?… Mais où allait-il chercher tout ça ce petit Ferdinand ?… Bien sûr, la chevalerie demeure attrayante, avec les tournois, les rivalités entre seigneurs se battant pour un lopin de terre, pour une insulte, pour une damoiselle, un damoiseau ?… L’édile lisait, soulignait les passages jugés importants de divers volumes ayant trait aux croisades : « Le pape Urbain II rallia les hésitants, en compagnie d’Adhémar de Monteil évêque du Puy parcourut la Provence et l’Aquitaine, bientôt vit venir à lui les grands du royaume auxquels s’ajoutèrent des serfs rêvant d’indépendance, qui échauffés par la propagande envisageaient un avenir relevant plus de la cupidité que de la spiritualité »…
Selon l’instituteur Ferdinand est plus rêveur qu’assidu, néanmoins il lui avait fallu du courage, n’étant pas à l’abri d’une mauvaise rencontre, pour aller chercher confirmation de ce qu’il avait accidentellement entendu, et la curiosité dans ce cas précis, relevait-elle d’un défaut ou d’un plus louable intérêt ? Méfiance, il n’y a qu’à voir du côté des dictateurs, dans leur enfance ayant eu propension à la rêverie, à l’utopie finale !… Alors, une affaire d’imagination, ou du bruissement du vent dans les bosquets entourant l’ancien site, de ses turbulences au travers du vieux puits ?… Les docteurs et psychologues le déclarèrent normal, rien chez lui qui ressemblât à de la paranoïa, dès lors l’édile s’interrogea : l’enfant aurait-il bénéficié de cette retombée de langues de feu à chaque Pentecôte atteignant artistes ou écrivains en panne d’inspiration, subsumés par ce « veni creator spiritus » poussé à pleins poumons et avec les grandes orgues dans leur dos, par les enfants de la manécanterie à laquelle il avait appartenu durant ses études au petit séminaire, avant son renvoi pour faute grave, puis, peu après, son inscription au P.C. ? Voilà que nostalgie aidant il reconnaît avoir conservé, au-delà d’une méfiance envers l’institution ecclésiale, un authentique amour pour la musique qu’excepté les chants d’oiseaux et de la nature il méconnaissait. Donc se sait redevable envers ce pion hollandais, avant les patenôtres matutinales réveillant les jeunes internes avec du Gershwin… qui ajouté au grégorien, vite lui constitueraient un bagage de mélomane : nonobstant il le sait, ses administrés auront beau prier, faire brûler des cierges, quand la sécheresse, estivale ou spirituelle s’installe rien ne sert d’invoquer les dieux de la météo…
Survient un jour où les enfants découvrent la clef donnant sur la chambre aux mystères, puis ayant détroussés les adultes, d’abord s’emparent de leurs illusions avant de leur imposer d’alléguées certitudes… Malgré ses réitérées demandes de tenir l’affaire elle fut rapidement éventée : l’ébruitement réveilla d’anciennes convictions, la seule vue des gantelets, bassinets et autres hauberts portant l’emblème des croisés, récupérés au fil du temps, redonna crédibilité à la récupération de cette légende autrefois contée, entretenue et embellie, éloignée de toute préoccupation littéraire car de l’ordre de la Foi, ayant profondément marqué la mentalité de l’homme du Moyen Age… L’édile pensa à l’opportunité – puisque au temps des croisades une similaire quête avait réuni occidentaux et sarrasins, les uns marchant vers la Terre Promise, les autres aspirant au paradis promis par Mahomet par l’intermédiaire du djihad – de raviver cette ancienne confrontation digne d’un spectacle à grande échelle, d’une nouvelle guerre des civilisations : en ce temps-là, les arabes étaient les maîtres d’une partie du monde incomparablement plus vaste que l’aire d’influence occidentale… Il y entrevoyait une louable et monnayable façon de raccorder les siens avec leur passé, d’autant que Stendhal –une référence ! – avançait que c’étaient les croisades d’Orient qui avaient révélé aux occidentaux l’existence de plaisirs plus doux que piller, violer, tuer, se battre… Un petit génie ce Ferdinand… mais où allait-il chercher tout ça ?… Dorénavant faudrait le prendre au sérieux, piocher dans les livres d’Histoire, les encyclopédies, alimenter son imagination, l’inciter à, ‘urbi & orbi’ –ça sent l’Urbain ! l’édile en rit – d’autres révélations… Quand même, entendre des voix et en fin de vingtième siècle, comment peut-il nous prendre pour des demeurés, ce petit futé ? Comment puis-je avaliser cette souterraine franc-maçonnerie étendant son réseau jusqu’à Jérusalem… ensuite préparer le terrain, lancer l’idée d’un Festival de la Chevalerie, la vraie et non l’errante, faire miroiter aux élus les astronomiques retombées… leurs assurées réélections… l’on peut rêver…
– dis-moi Ferdinand, es-tu vraiment sûr d’avoir en-tendu des voix, des cliquetis métalliques provenant d’armes… car tu sais ce que valent les légendes n’est-ce pas ?, comme pour l’Histoire avec un grand ‘H’, on l’enjolive…
– je vous ai déjà répondu, vous connaissez les plans de l’ancien château, dans sa cour il y avait un puits, l’instituteur dit qu’il était stratégique…
– mais ces voix, disons ces bruits étranges, amplifiés par la résonance du puits asséché… une hypothèse probable, vu la hauteur de la colline, l’abandon de nombreuses forteresses suite au manque d’eau…
– j’en sais rien, mais je suis sûr qu’elles venaient de dessous et non du ciel, d’ailleurs c’est toujours Notre Dame qui s’adresse aux petits bergers…
– d’accord Ferdinand, mais dis-moi, qu’est ce qui te fait dire que ce sont des Templiers, du moins leurs descendants qui s’affaireraient là-dessous, en attendant la parousie, y trameraient d’impossibles vengeances…
– c’est quoi la parousie…
– Hum !, le retour du Christ –en aparté : je préférerai celui du communisme – tu demanderas au curé… Mais concernant cette chevalerie qui semble t’intéresser, serais-tu prêt à devenir son porte-drapeau…
– il faudrait que je fasse quoi ?
– je vais te passer des livres d’Histoire, des romans de chevalerie, tu devras t’en imprégner, utiliser certains passages afin de rendre plus crédible ton histoire de… de Templiers.
– si je comprends, monsieur le maire, vous me croyez pas ? Je suis pas menteur, vous devez aller sur place, s’il y a eu des voix elles reviendront…
– ne te fâches pas Ferdinand, nous irons ensemble et le plus tôt sera le mieux, je te ferai signe… l’élu ne tint pas sa promesse…
Pour que la crédibilité de ce qui s’annonçait glorieux pour sa commune soit assuré, l’édile choisit les paragraphes les plus édifiants des croisades, du genre : « à St Jean d’Acre, la présence des rois de France et d’Angleterre stimula les combattants qui atteints de dysenterie et décimés par les embuscades perdaient courage, le siège durait depuis deux ans. Enfin, le vendredi 12 juillet 1191, la citadelle tombait aux mains des chrétiens, les musulmans s’inclinaient devant la bravoure de Richard cœur de lion »… Appris puis récités Ferdinand plastronnait, captivait autant l’attention de ses camarades que celle d’adultes commençant à y croire ; bientôt jouèrent aux Templiers s’affublèrent des noms des plus illustres : Raymond de St Gilles, Robert Courtereuse, Godefroy de Bouillon, Bohémond de Tarente, etc. Impressionnés, leurs parents reconsidérèrent ce lointain passé, ressortirent les vestiges portant l’emblème des croisés : n’étaient-ils pas les résidus d’une Chronique vieille de presque dix siècles, glorieuse selon la version proposée par l’élu ayant potassé le sujet et col-portée par le rusé Ferdinand ?… Cependant, avant toute prise de décision con-cernant ce futur envisagé juteux, il lui fallait vérifier sur place, voir si au fond de ce puits asséché un semblant de vérité en ressortirait, signalant la possible renaissance du château copiée sur le spectacle du Puy-du-fou… Par une nuit de juillet, seul il entreprit l’ascension de la colline abandonnée depuis le transbordement de la dernière pierre ; bien qu’il fût du village jamais auparavant la curiosité ne l’avait titillé au point de s’y engager, sans doute la crainte à peine voilée des adultes concernant les fantômes, alors que c’était le courage qui lui fît défaut, peut-être un manque d’imagination, car où allait-il chercher tout ça ce petit Ferdinand ? Qui, explorateur solitaire, avait dû être terrorisé en percevant ces voix, ces bruits non localisables, avant de comprendre qu’ils provenaient d’en dessous, prouvaient l’existence d’une vie souterraine, conséquemment celle de descendants des Templiers ; avait dû dévaler la colline afin de se mettre à l’abri, c’est ce que pensait l’élu ayant emprunté le colimaçon herbeux menant au sommet. Bientôt son cœur s’emballa, il mit cette accélération sur le compte d’une pente à fort pourcentage, ne voulut pas s’avouer cette peur irraisonnée s’emparant de tout son être, bien malgré lui tacha de maîtriser son esprit battant la campagne, la vision de cette virtuelle masse sombre se dé-tachant sur un fond de nuit claire avec ses menaçantes murailles et tours virtuelles ajoutant à son trouble, car il lui fallait compter avec cette éventualité : et si c’était vrai ? Avec ce puits asséché devenu l’épicentre d’un complexe réseau reliant les anciens châteaux relevant de l’Ordre des Templiers, d’où la vérité peut-être ? Mais des siècles étaient passés, donc effondré, impraticable ce labyrinthe ou alors secrètement entretenu puisque si voix il y eut…
Au gré de sa marche et de ses interrogations il atteignit la cour principale où se trouvait l’emplacement du puits, difficilement repérable puisque en partie obstrué… La nuit était claire, le ciel dégagé, les constellations attendaient la suite d’évènements in-dépendants de leur marche ; la nature délivrait un faux silence entrecoupé de cris d’oiseaux, de bruissements, de froissements faisant à son insu frissonner l’élu qui regretta d’avoir seul entrepris cette expédition. D’ailleurs, jamais risquée auparavant, lorsque en compagnie de plus hardis camarades ils eussent pu traîner parmi ces ruines dont ils craignaient les esprits… Les émotions, la fatigue, l’attente qui s’avérerait inutile ; mais où allait-il chercher tout ça, quoique jamais Ferdinand avançât, comme ces ignares (incultes ?) petits bergers, en avoir rencontré en chair et en os, alors que s’agissant d’apparitions… une histoire de foi ! –l’homme en rit car il avait les foies !… Sur les deux heures du matin, rencogné puis endormi, lové dans un accident de terrain, bientôt rêva de croisades, à son insu ajouta un complément d’images aux textes précédemment lus. Cependant –ne sommes-nous pas durant nos rêves ou cauchemars les jouets de forces obscures : chthoniennes ?– ces reconstitutions ne s’attachèrent pas aux plus glorieux faits d’armes des Templiers mais tournèrent à leur désavantage et de fait leur légende s’étiola : « la retraite s’envisageait, sous les charges incessantes des sarrasins, inutilement Geoffroy de Sergine leur courait sus…plus il en abattait, plus… » Bientôt le dormeur crut distinguer des cris, des injonctions, le cliquetis d’armes, des cavalcades, des sommations… il se tourna, se retourna, se maudit d’avoir insisté sur la gnôle, puis s’attacha à ce qu’il percevait : de non identifiables bribes de voix, qu’en caisse de résonance la cavité du puits accentuait, d’où la vérité dans quelques instants… Après de longues minutes d’attente, s’en extrayant comme de vulgaires taupes il en vit sortir, non revêtus d’armures mais cagoulés et en uniformes de combat, des gendarmes du GIGN… qui après l’avoir menacé de leurs armes et sommé de se rendre, suite à ses embarrassées explications l’informèrent de ce qui se tramait dessous…
Depuis plusieurs mois des trafiquants s’abritaient dans ces anciens tunnels, y planquaient leur camelote allant des contrefaçons jusqu’aux clopes et alcools de contrebande… Adieu spectacle de chevalerie (veau, vache, etc.,) il s’agissait d’un mauvais film, l’épisode Templiers se refermait, néanmoins il était encore temps de reconnaître le talent du jeune Ferdinand, sa façon d’enjoliver ce qui resterait l’une de ses plus grandes frayeurs, car il avait bien entendu des voix et après récupération de ses esprits avait convenu… qu’éventuellement des Templiers… quoique concernant la commune mieux valut une apparition, tant l’on connaît l’appétence du vulgaire envers le surnaturel, l’inexpliqué, le religieux !… Au firmament, l’une après l’autre les constellations s’éteignaient, le point du jour s’annonçait, de plus terre à terre occupations allaient prendre le relais… Il n’est pas interdit de rêver mais à bon escient, le vrai rêveur étant selon Proust, celui qui, sur place, va vérifier l’authenticité dudit rêve !…
Henri Cachau
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